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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Pascal Décaillet se met en abyme

Quand Pascal Décaillet semblait à  terre, les chers confrères de la presse écrite notamment s’autorisèrent et se lâchèrent – dans le sens de la critique. Depuis, il est devenu bienséant d’applaudir à  ses débuts télévisés sur Léman Bleu.[1] Et on a bien raison de le faire, comme dans cet article du Temps. C’est juste le concurrent à  qui on pique ses conseillers fédéraux d’invités qui fait une petite moue et lâche un cordial et chaleureux « Grand bien lui fasse ».

Décaillet dit avoir conscience de faire de la radio filmée. Mais ce disant, il se trahit et vend implicitement la mêche: pour les débats, il y a bel et bien une supériorité de la radio (il n’y a pas photo si j’ose dire), où il a excellé. A priori, le calviniste impénitent que je suis dira que l’image apporte peu, qu’il faut s’en méfier. Elle empêche de se concentrer sur le contenu principal. Ce serait même trompeur de croire qu’elle nous apprend quelque chose sur la personnalité des intervenants.

Or Décaillet a déjà  trouvé un plus.

« J’ai bien conscience que pour le moment je fais de la radio filmée. J’ai beaucoup à  apprendre sur le langage télévisuel. Je dois subir une cure de désintoxication radiophonique! Mais vous avez peut-être remarqué qu’il y a un début de mise en scène, par la mise en évidence des jeux de regards entre l’intervieweur et l’interviewé. » (Nous soulignons.)

Avec le passage à  la télévision, on a ajouté la dimension… visuelle. Or qu’est-ce que Décaillet veut mettre en scène? — Les jeux de regards, pardi. En voulant que son médium nouvellement visuel filme un acte visuel, Décaillet réalise une mise en abyme soft. Une mise en abyme stricte montrerait une caméra filmant la scène ou filmant un moniteur. Comme le peintre des Ménines qui se met en scène dans le tableau.

Mais Décaillet a commencé avec l’essentiel. La révélation des jeux de regards, loin de distraire, favorise l’attention et la concentration, parce qu’on nous rappelle qu’il y a un échange entre deux personnes situées dans l’espace l’une par rapport à  l’autre (en l’occurrence en face), et que cet échange passe par un contact entre les deux personnes – le regard vif et attentif de Décaillet veillant à  prévenir la dérive vers un monologue (mais ce n’est pas une garantie automatique). Le regard de Décaillet représente alors le regard du téléspectateur, qui espère que l’interlocuteur s’adressera à  lui, à  ses préoccupations, apportant peut-être de nouvelles perspectives. C’est un autre aspect de la mise en abyme, qui paradoxalement ne suggérera pas l’enfoncement dans les tréfonds de l’insignifiance mais l’élévation des débats vers ces hauteurs auxquelles Décaillet nous avait habitués.

Mais jugez vous-même (en nous pardonnant ce « spécial copinage » au carré):

Notes

[1] Voir ce billet et ce billet.