Institutions européennes: illustration sur les brevets logiciels
Il n’y a pas que la « directive Bolkestein » sur les services qui est prise en otage (ou jetée en sacrifice expiatoire) dans le cadre du référendum français sur le traité établissant une Constitution pour l’Union européenne. Sur le Net, la directive sur la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur qui est en cours de procédure fait des ravages (et elle relève aussi du commissaire Bolkestein!): une récente décision du Conseil des ministres (qui tient lieu de Chambre haute dans le processus législatif européen) échauffe passablement les esprits, et sur Publius Emmanuel tente de clarifier les choses.
Si je résume:
- La Commission a présenté au Parlement et au Conseil un projet de directive qui ne satisfait pas les adversaires des brevets logiciels.
- Le Parlement européen, première instance appelée à se prononcer, en a délibéré et a adopté une série d’amendements allant dans le sens des adversaires. Ces amendements sont-ils de nature à les satisfaire entièrement? Ce n’est pas vraiment clair (quand bon nombre d' »amendements » portent sur le préambule d’un texte, et pas seulement sur sa partie normative, ça me fait doucement ricaner).
- Le projet passe ensuite au Conseil. S’il ne se rallie pas aux amendements du Parlement, il lui appartient comme il est normal dans tout système bicaméral d’adopter son propre texte, qui porte le curieux nom de « position commune » (commune à qui? à lui-même… et non, comme je l’aurais imaginé pour trouver un sens à cette appellation, au Conseil et à la Commission par exemple). On en est là avec cette directive: éventuelle entorse de procédure mise à part (mais j’ai peine à croire qu’elle changeait la nature de la décision du Conseil), ceux qui croient que le Conseil est antidémocratique parce qu’il a un avis différent du Parlement ne comprennent rien au fédéralisme (et tant le Conseil que la Commission protestent de leur volonté de prendre en compte les préoccupations des adversaires en définissant de manière plus restrictive ce qui pourrait faire l’objet des fameux brevets logiciels).
- Ensuite c’est à nouveau au Parlement de jouer, avec ici deux clauses de « démocratie rationalisée » à la française: la position du Conseil l’emporte si le Parlement ne parvient pas à délibérer dans un délai donné (on imagine les démarches sournoises d’obstruction que cela permet); et une majorité qualifiée est nécessaire pour que le Parlement persiste dans un désaccord avec le Conseil.
- Si le cas se produit, le Conseil sera à nouveau saisi. Lui aussi a potentiellement un obstacle supplémentaire à surmonter: si la Commission s’oppose à un amendement du Parlement, le Conseil ne peut le reprendre qu’à l’unanimité (où l’on perçoit le biais plus technocratique que démocratique de la construction européenne).
- Et si le désaccord persiste, un comité de conciliation du Conseil et du Parlement tente d’élaborer un texte qui doit ensuite être approuvé tel quel par les deux instances; faute de texte de conciliation ou faute d’accord, la directive est rejetée.
Emmanuel renvoie à un schéma qui est en effet éclairant sur la procédure de codécision en vigueur. Il y a aussi cette fiche qui permet de retracer l’itinéraire complet de l’objet, ou celle-ci. C’est vrai que le traité constitutionnel ne change rien à tout cela: mais il n’agrave rien et, en présentant la procédure (art. 396 du Traité constitutionnel) de manière plus simple et plus claire que la terminologie ampoulée en usage aujourd’hui, déjà en parlant de « loi européenne » plutôt que de « directive », il doit aussi permettre aux intéressés de se réveiller avant qu’il ne soit trop tard…
D’un autre côté, se replonger dans le monstre qu’est le traité constitutionnel réveille tous les doutes que j’ai pu avoir: il est par exemple insensé que le titre sur le fonctionnement de l’Union soit perdu dans la troisième partie de la Constitution (relative aux politiques dévolues à l’Union par les Etats membres) au lieu de figurer dans la première partie, celle qui a trait aux institutions. Et n’existe-t-il vraiment toujours pas une version html, plutôt que ces documents pdf insupportables dès lors que l’on veut faire une référence? [Merci au commentateur ci-dessous qui signale cette version sur le site du Sénat français: c’est un début]. Pas une raison de voter « non », bien sûr!
(Billet revu et complété le 17.03)
COMPLEMENT du 18.03 à 23h55: Sur la procédure relative à la directive « brevet logiciel » et sur la directive Bolkestein sur la libéralisation des services, deux excellents billets d’Eolas.
Voilà la constitution en une seule page web, et en plus commentée par Giscard 😉
Ah, merci! Si je puis me montrer chauvin, ce qui serait parfait c’est une présentation qui place les ancres aussi directement au niveau des articles, comme celle-ci…
Une version texte brut en un seul morceau sans commentaire est disponible sur mon site.
Je n’avais pas trouvé la version du sénat, merci pour le lien !
Attention: la version du Sénat ne comporte pas le texte des protocoles.
Pour une analyse plus détaillée de l’historique de la directive sur les brevets logiciels, je me permet de rajouter un lien sur mon site :
http://www.greyhats.org/?brevetslogiciels
Pas d’analyse poussée de ce que sont les brevets, simplement un résumé de la manière dont se sont déroulés les débats.
Julien
Julien: avec ton billet du 9 mars, tu as en tout cas le mérite de l’antériorité sur Emmanuel (Ceteris Paribus) ou moi!
Sur le fond, je demande encore à être convaincu 1) que la version issue de la première lecture du Parlement était suffisante (pourquoi alors cette curieuse tentative parlementaire en février 2005 dont tu parles, pour repartir à zéro?) 2) que la version issue de la première lecture du Conseil est aussi épouvantable qu’on le dit (le Conseil et la Commission assurent que non, alors qu’il n’y aurait aucune honte à faire valoir une position divergente sur la question).
Il me semble aussi que les adversaires du brevet logiciel désespèrent bien vite: si leur cause est juste, pourquoi ne parviendraient-ils pas à convaincre une majorité absolue de parlementaires de se déplacer pour voter leurs amendements? Il est faux de dire que la Commission et le Conseil font ce qu’ils veulent: rien ne peut se faire sans l’accord (ou la passivité) du Parlement, donc ce sont bien les députés européens qu’il faut travailler au corps!
François: Pour le 1) il y a eu changement de parlement et l’accord de la commission n’est plus valide avec les nouveaux membre (a supposer qu’il ait ete valide un jour ce qui n’est pas sur au vu des fautes de procedures diverses). Pour le 2) le texte a ete ecrit non pas par le conseil mais par un employe de la BSA (voir la presse a l’epoque), ensuite bien sur chacun est libre de juger le texte, mais il faut se souvenir que la petition contre a reuni plusieurs centaines de milliers de signatures, l’UEAPME representant 11 millions de PME europeennes et 50 millions d’emplois c’est aussi prononce contre et se desole du choix de la commission, sans compter la totalite des partisans du logiciel libre et diverses autres institutions.
Pour le desespoir, merci de ton jugement…. Il n’y a pas de desespoir, plutot de la lassitude tout le travail a faire en premiere lecture est a refaire et il sera refait meme si c’est une plus grande majorite qu’il faut obtenir. La seule option est d’arriver a un rejet du texte – le conseil a dit qu’il refusera tout amendement – et des suivants qui seront proposes (voir nouvelle consitution europeenne), donc un travail permanent, et sachant la premiere fois que ca passe (en flou juridique), c’est termine car le parlement n’a pas de pouvoir legislatif et donc ne peut revenir en arriere.
Sans compter que sur le sujet, meme les procedures formelles ne sont pas respectees par les institutions ce qui montre la puissance des lobbies …
Guerby: merci de ton commentaire; effectivement, je peux comprendre l’agacement de nouveaux parlementaires qui prennent le train en marche, mais Rocard n’en est pas un et ça me surprend quand même un peu que ce Parlement soit davantage anti-brevet logiciel que le précédent qui était plus à gauche… Pour ma part, j’ai de la sympathie pour les antis, mais je reste agnostique et en tout cas agacé par la diabolisation des pros et les explications par la théorie du complot. Deux remarques:
1) Tu dis que le Conseil « refusera » tout amendement mais cela n’empêche nullement une majorité absolue du Parlement de les voter, cela signifie simplement, conformément à ce qu’écrit Eolas, que le Conseil ne s’y ralliera pas… il est d’ores et déjà résigné à ce que sa proposition de « position commune » ne soit pas entérinée par le Parlement, et se prépare à la procédure de conciliation (chiffre 21 sur cet excellent schéma). Donc le boulot pour le lobby anti est double: formuler les quelques amendements décisifs susceptibles de gagner (ne serait-ce que pour le cas ou la solution maximaliste du refus de la position commune échouerait), puis imaginer une solution (qui devra forcément être un compromis: c’est dur la démocratie pour les militants d’une seule cause à laquelle ils croient en noir et blanc!) susceptible d’être adoptée par le comité de conciliation (25 représentants des gouvernements, 25 parlementaires) — ou viser à l’échec qui tuerait effectivement la directive et obligerait la Commission à repartir avec un nouveau projet si le vide lui est intolérable.
2) Quand tu dis que « le parlement n’a pas de pouvoir législatif car il ne peut pas revenir en arrière », j’imagine que tu fais allusion au fait qu’en deuxième lecture le Parlement ne peut pas modifier un point sur lequel il a été d’accord en première lecture et qui n’a pas été remis en cause par le Conseil… Mais c’est une rationalisation du travail qui n’est quand même pas si monstrueuse que cela. Dans le système bicaméral de l’UE, le Conseil est certes un peu avantagé par rapport au Parlement (comme l’Assemblée nationale sur le Sénat en France, ainsi que le relève Eolas), mais rien ne peut se faire contre une majorité absolue des parlementaires.
Pour le 1), un rejet est plus simple est moins risque au vu des pressions actuelles (14 => 15 sur le schemas). La situation actuelle (sans la directive) a le merite d’etre claire et uniforme (juste une derive purement administrative a corriger).
Il y a des points dans la loi ou un compromis est difficile, en particulier les « as-t’on le droit de faire X ou pas » en general admets « oui » ou « non » comme reponse. Ensuite plus il y a de regles speciales plus ou moins floues autour de X plus ca accroit la complexite qui mecaniquement fait pencher la balance vers les grandes entreprises (par exemple) et augmente l’incertitude juridique pour tout le monde, et bref cree une « usine a gaz administrative » de plus.
La strategie actuelle des partisans du brevet logiciel est de partir d’une situation ou il n’y a pas d’incertitude sur la loi (les logiciels sont exclus des brevets) a une situation d’incertitude (et annulation de toutes les jurisprudences, donc 5 a 10 ans avant qu’on sache de quoi il retourne, je te laisse deviner qui a les moyens de jouer). Peu importe la formulation tant qu’elle n’est pas claire. L’article de Michel Rocard dans Le Monde traite avec humour de la tautologie du conseil sur la definition de la limite, mais ce qui ce cache derriere est moins drole. J’espere que ca explique ma position qui a effectivement l’air blanc ou noir, tout amendement et conciliation est plutot dangereux et necessite le meme effort qu’un rejet simple.
Le parlement precedant s’etait finalement range du cote « on ne change pas, on laisse un texte explicite », je pense que le fait que les amis du logiciel aient reussi a convaincre tous ces parlementaires aux pensees tres diverses de retourner completement un texte montre que le compromis est dans la limite de la brevetabilite, et que cette limite doit inclure certaines choses mais exclure les logiciels et les methodes d’affaire (ca laisse du champs au brevet quand meme !).
Enfin on verra ce qu’en dise les nouveaux parlementaires, je vais prochainement passer en voir certains. D’ailleurs pour beaucoups de parlementaires en premiere lecture c’etait la premiere fois qu’ils voyaient des citoyens de leur pays venir leur parler de leur travail au parlement, ca a beaucoup joue en notre faveur, mais maintenant les professionnels du lobbying sauront mieux se preparer. Si ce que dit Michel Rocard sur l’atmosphere au parlement est vrai, ca sera peut-etre la premiere fois qu’on passe par 14->15 en deuxieme lecture, ca n’est jamais arrive et ca sera alors un signe de vitalite democratique, la commission ayant viole sa propre procedure en plusieurs points, voir les questions de la FFII et les questions d’Erik Meijer MEP (GUE/NGL)
Pour le 2), non je faisais reference a la source des textes qui ne peut etre que la commission. Comme la commission peut choisir de ne jamais proposer de texte « correctif », le parlement est impuissant a changer la situation une fois qu’il n’a pas dit non une seule fois sur un sujet donné.
Laurent
PS: les comparaisons avec le senat vs assemblee sont limites pour moi, il n’y a pas de pays a ma connaissance ou un parlement elu ne peux proposer de loi, donc pas vraiment de point de comparaison a part l’historique de la procedure codecision europeenne.
J’ai oublie un lien sur « clair » vs « pas clair » Commission denies Program Claims threat, « may need further clarification. »
Je ne suis pas un spécialiste de l’histoire de l’Union Européenne, mais il me semble important de dire, en tout premier, que la probabilité d’obtenir une majorité absolue est infime. Sur le nombre total de parlementaires européen (732 pour être précis), il suffit qu’un seul décide de d’accepter le projet de loi en deuxième lecture pour que celui-ci passe! Soit dit en passant, cette règle de la majorité absolue me semble résolument antidémocratique, et je considère pour cela la deuxième lecture du parlement purement formelle, sauf à n’avoir qu’une poignée de députés dans l’hémicyle. Lors de l’établissement des règles de l’Union, les gouvernements ont clairement choisis de limiter le pouvoir d’initiative des élus directs du peuple: passage de seulement 75% des projets de lois européens à l’aide de la « procédure de codécision » (ce qui va être changé avec la future constitution d’ailleurs), possibilité pour le conseil en première lecture de ne pas tenir compte des amendements du parlement, … Je suis un européen convaincu, mais ça ne m’empêche pas de trouver la représentation des citoyens européens nettement insuffisante.
Pour parler du cas précis qui nous intéresse, il faut savoir que les membres de la commission et les parlementaires européens ont fait l’objet de pressions extraordinaires (ce n’est pas moi qui le dit, c’est Michel Rocard dans une interview donnée au Monde. Voir mon article pour plus de précision) de la part des lobby pro-brevets. Notamment, concernant la commission, plusieurs des experts mandatés pour donner leur avis étaient des employés de Microsoft… Alors, je ne doute pas une seule seconde qu’ils soient capables d’inciter un des 732 parlementaires à soutenir le projet. Pour moi, après la première lecture, ça ne sert à rien de « travailler les députés au corps » ;-), c’est déjà trop tard…
Pour finir, la version votée issue de la première lecture du Conseil valide le principe même des brevets logiciels, dans leur ensemble et leur totalité. Elle permet, par exemple, à Amazon de breveter le fait de pouvoir acheter et payer en ligne à l’aide d’un seul clic, ou encore de breveter le « caddy » pour les achats sur Internet. Les amendements votés par le parlement ne supprimaient pas les brevets, mais limitaient leur champ d’action aux inventions ayant une action sur le réel, par exemple les logiciels inclus dans un nouveau système de freinage pour voiture. Je ne vais pas à mon tour rentrer dans une argumentation anti-brevet, d’autres le font bien mieux que moi, mais il est certain que la version du Conseil constitue tout ce dont les anti-brevets ne veulent pas.
Laurent: ok, le parlement n’a pas l’initiative législative (mais aussi l’Union européenne n’est pas — encore — un Etat, et même si elle le devient un jour ce sera nécessairement une structure fédérale dans laquelle les Etats continueront d’avoir leur mot à dire à côté des parlementaires élus au suffrage direct). Ce n’est qu’à peine moins bien qu’en France où (en tout cas pendant longtemps, les choses ont sans doute changé à partir de la présidence Giscard d’Estaing), l’Assemblée nationale n’est pas maîtresse de son ordre du jour: c’est le gouvernement qui le fixe (c’est l’une des bizarreries peu démocratiques de la Ve République, l’autre étant que c’est la compétence réglementaire du gouvernement qui est la règle et la compétence législative du Parlement l’exception, et non l’inverse). Le vote à la majorité absolue au 2e tour, ça n’est au fond qu’une variante de l’arme du 49/3 (je cite de mémoire: la question de confiance posée par le premier ministre qui voit une loi controversée adoptée sans vote si une motion de censure n’est pas parvenue à renverser le gouvernement).
Julien: encore une fois, il n’y a rien d' »antidémocratique » à ce que la deuxième chambre d’un organe législatif (ce qu’est le Conseil par rapport au Parlement) ne soit pas du même avis que la première… Et je ne sais pas ce que c’est que ton histoire d’un seul parlementaire qui suffirait pour valider la « position commune » proposée alors par le Conseil pour la deuxième lecture, ou plutôt j’ai compris: tu confonds unanimité des présents (qu’une seule voix suffit à rompre), qui n’existe pas au Parlement européen, et majorité absolue (= des membres, pas seulement des présents) qui s’applique à certains votes, et notamment: l’amendement ou le refus, en deuxième lecture, de la « position commune ». Donc si 367 parlementaires la rejettent, elle est morte, un point c’est tout. Au boulot! 😉
Complété le 20.03 à 16h30.
François: je ne vois toujours pas de comparaison pertinente entre le systeme de codecision et le systeme francais, comme tu le rappelles le gouvernement peux jouer avec l’ordre du jour, mais de sa propre initiative le parlement peut renverser le gouvernement donc ca ne marche pas que dans un sens, si le parlement a vraiment envie de voter une de ses loi il aura le dernier mot par ce biais, ou les electeurs via une dissolution du parlement et l’election d’un nouveau. (Précision: je ne suis pas un grand fan du systeme francais et c’est peu dire …). Pas mal de sites font la comparaison entre la codecision et des systemes nationaux, j’avoue ne pas souscrire (a part comparer a une république bananière :).
Ceci dit, effectivement a ce niveau sur ce sujet, au boulot! 🙂
Laurent
Julien, Laurent: moi mon intérêt porte surtout sur le fonctionnement des institutions européennes et sur le traité constitutionnel en cours de ratification (ou non!), pour lequel la directive sur les brevets logiciels me sert d’illustration… Le parallèle avec des institutions nationales me semble utile, aussi imparfait soit-il, en raison de l’évolution même, d’abord des Communautés européennes (le Marché Commun), puis de l’Union européenne, au point de vouloir utiliser aujourd’hui le mot Constitution réservé à des Etats.
Pour schématiser cette évolution, une proposition de directive (qui s’appellera plus clairement « loi européenne » si le traité entre en vigueur) émane toujours de la Commission, mais son approbation a successivement été de la compétence:
Sur l’initiative législative, il ne faut pas se faire d’illusion, dans tous les parlements les projets émanent du gouvernement, les projets de députés sont rares et limités à des objets simples voires folkoriques (en tout cas pas quelque chose comme la problématique de cette directive). Saisi du projet de la Commission, le Parlement peut en faire ce qu’il veut en première lecture, et si j’insiste là -dessus c’est parce qu’à mon sens les parlementaires européens (et les lobbies) ne prennent pas eux-mêmes ce rôle suffisamment au sérieux (quand même ils se déplacent — voir l’absentéisme des Français!), se contentant de discourir et de se faire plaisir comme si leur avis n’était, justement, que consultatif alors qu’ils doivent légiférer.
Et que je sache le Parlement européen est effectivement parvenu à faire démissionner la Commission Santer, et le traité constitutionnel confirme voire renforce son rôle dans l’approbation ou le congédiement de la Commission. Tout cela pour dire que je ne vois dans les mésaventures de la directive logiciel aucun argument en faveur du « non » (sauf évidemment à souhaiter le retour aux origines, qui permettrait de se concentrer sur la seule Pologne, ou le Danemark, ou les Pays-Bas, pour que l’un d’entre eux oppose un veto national à toute directive sur le sujet…)
Commençons sur la majorité absolue et l’unanimité : en toute honnêteté, l’heure tardive (qui a dis pas si tardive que ça ?) et mon cerveau embrumé ont introduit une certaine confusion dans mon esprit. Honte à moi !
Quel est pour moi le problème lié au fait que la parlement n’a pas l’initiative des lois ? C’est que la commission n’est absolument pas une entité représentative. Tu dis, François, que le gouvernement, en France par exemple, à l’initiative de la très grande majorité des lois. Mais quelle est la différence avec l’Europe : le gouvernement doit _rendre des comptes_ auprès de ces électeurs à intervalle régulier. Ce n’est pas le cas avec la commission, et c’est la raison pour laquelle ses membres sont beaucoup plus sujet à pression et lobbying diverses. C’est même devenu leur rôle de faire l’objet de pressions, on ne pourra leur reprocher, et les électeurs ne pourront les sanctionner.
D’ailleurs, pourquoi le lobbying est-il devenu quasi institutionnel à Bruxelles. Parce qu’il s’adresse à des eurotechnocrates, et pas à des politiques. Ce n’est ni le même rôle, ni les mêmes contraintes. Je suis un fédéraliste : je souhaite un gouvernement de l’Europe, et ce ne peut être la commission.
Tu dis, François, que le parlement peut en première lecture faire ce qu’il veut du projet de directive. C’est vrai, mais c’est exactement ce qui s’est passé concernant les brevets logiciels. Résultat : le Conseil n’a tenu compte d’aucun de ces amendements, et il faut tout refaire en deuxième lecture, dans des conditions de majorité plus difficiles.