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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

De Chris Huhne à  Jérôme Cahuzac

La démission du Parlement, tout de suite, c’est mieux que l’inégibilité demain…

L’affaire était ancienne, il la traînait comme un boulet sans pouvoir évidemment l’effacer, et elle a resurgi au pire moment possible, alors qu’il était un ministre phare de la nouvelle équipe… Après des mois de dénégations véhémentes et hautaines, et avoir quitté le gouvernement le temps de laver son honneur avant d’y revenir, il finit par reconnaître, devant la marche inexorable de la justice, qu’il avait menti et que l’infraction était bien réelle.

Mais Chris Huhne, l’ancien ministre britannique de l’énergie et du changement climatique, star du parti libéral démocrate (dont les militants ne lui ont préféré que de peu Nick Clegg comme leader) et incarnation du volet « vert » qui distingue, avec le mariage gay, le gouvernement de coalition de David Cameron d’un simple gouvernement conservateur, démissionne alors immédiatement de son mandat de parlementaire en attendant de connaître la peine qui lui sera infligée – pour avoir, il y a 10 ans, évité une suspension de permis de conduire en mettant sur le compte de sa femme un excès de vitesse (8 mois de prison à  chacun des deux pour entrave à  la justice, commençant dès la lecture du jugement le 11 mars 2013, avant d’être vraisemblablement commuée après 2 ou 3 mois en assignation à  domicile, suivie d’une libération conditionnelle).

Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du budget de François Hollande, lui, n’a nullement manifesté l’intention de démissionner de l’Assemblée nationale à  laquelle il a menti comme au président et à  l’opinion (à  tous il a cependant demandé pardon…), et compte sur les arcanes de la procédure[1] pour effacer, grâce à  la prescription, tout ou partie de la punissabilité du délit qu’il a reconnu de possession d’un compte bancaire à  l’étranger comportant de l’argent non déclaré au fisc: arrogant jusque dans les aveux, il soutient avoir sollicité son audition par les juges d’instruction pour leur faire des déclarations spontanées, plutôt que d’avoir déféré à  une convocation pour répondre à  des questions embarrassantes, et proclame avoir « d’ores et déjà  » rapatrié en France les 600’000€ déposés sur un compte ouvert en Suisse il y a 20 ans et déplacé à  Singapour il y a 4 ans (2009, c’était hier)… Qui croit qu’il ira vraiment en prison? On ne peut évidemment que le dissuader de vouloir se suicider mais plus de pénitence paraît indispensable à  sa réhabilitation personnelle.

Le premier ministre n’a émis qu’une invitation générale à  ce que Cahuzac renonce à  toutes ses charges politiques (mais ce n’est pas vraiment sa qualité de conseiller municipal non inscrit qui est un problème, ou bien?). Le premier secrétaire du PS estime qu’il s’est mis de lui-même en dehors du parti[2]: ça évite peut-être d’ouvrir une procédure disciplinaire? Pour comparaison, quand Denis MacShane, ancien ministre des affaires européennes de Tony Blair, a fait l’objet d’une de ces procédures que l’on n’a pas l’air de connaître en France pour remboursement abusif de notes de frais parlementaires, il a été suspendu du groupe travailliste, et lorsque l’autorité disciplinaire a confirmé les faits et ordonné la restitution de l’argent il a démissionné de son mandat.

Comme le souligne l’ami Authueil (qui a par ailleurs fourni la meilleure analyse des différents volets de cette affaire, y compris sur la compromission des médias traditionnels et la désastreuse prime à  Médiapart qui mélange allègrement journalisme et activisme politique sectaire), les projets de loi annoncés par Hollande, parmi lesquels l’inéligibilité des élus condamnés, ne sont qu’une gesticulation démagogique contraire aux engagements de « Moi, président… ».

Notes

[1] Huhne avait aussi joué ce jeu-là , et nombre de ses amis qui ne doutaient pas vraiment de sa culpabilité imaginaient qu’il parviendrait à  s’en sortir, multipliant les recours incidents avant de finir par accepter l’inéluctable la veille de l’ouverture du procès.

[2] Curieuse idée, d’ailleurs, comme s’il cessait d’être de gauche voire ne l’avait jamais été: doit-il aussi dorénavant voter à  droite?

2 commentaires

  1. Mireille
    4 avril 2013

    Décidément, la justice britannique fait mieux son travail. Et merci de rappeler ce qu’est Médiapart, célébré ces derniers jours comme un modèle de journalisme par ses confrères. Je ne comprends pas la parenthèse: « à  tous il a cependant demandé pardon ». Je suppose vu le contexte qu’elle se veut ironique, mais ce n’est pas clair. Cahuzac pouvait-il inversement se féliciter d’avoir trompé tout le monde? Cela dit, une telle tornade politique pour un mouton noir que l’on pourrait trouver dans tous les groupes ou partis – même celui de Mélenchon! – me paraît légèrement délirante.

    Réponse: j’ai ajouté des points de suspension (et le lien vers son communiqué!).

  2. sebl
    8 avril 2013

    Bonjour,

    Merci beaucoup pour cette analyse :

    Je pense qu’il y a une autre différence de taille entre la France et l’Angleterre. En France, jusqu’à  présent, le mensonge ou une condamnation n’ont pas d’impact sur les chances de réélection. voir une liste ici

    http://www.lexpress.fr/actualite/politique/ces-elus-condamnes-et-reelus_769221.html

    En Angleterre, les chances d’être élus sont tellement faible, que ça ne vaut mếme pas la peine de se présenter.

    Je ne comprends pas très bien votre critique de médiapart à  la fin de l’article. J’ai le sentiment que Médiapart fait un bon travail d’investigation. Les articles que j’ai lu sont bien écrit, et surtout, ce que j’apprécie, très factuel. Leur analyse de l’affaire Karachi, de l’affaire Tiakedine, de l’affaire Tapie, de l’affaire Woerth me paraissent de très bien construite, et d’intéret public. Pouvez vous élaborer sur « l’activisme politique sectaire » ?

    Réponse: Chez Médiapart, ce ne sont pas les articles qui me gênent, mais la volonté de les exploiter politiquement. Alors les faits ne sont pas assemblés pour eux-mêmes, mais au service d’une stratégie qui n’est nullement explicitée, et Médiapart sort de son rôle en se voulant acteur, assurant le service après-vente…

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