L’élection du leader du parti travailliste
C’est donc Ed Miliband, hélas: à force d’hésiter[1], David Miliband a tout perdu. Mais c’est surtout du régime électoral que je veux parler ici, en me référant au détail des résultats.
Le leader du parti travailliste est choisi au travers d’une élection directe qui se déroule dans trois collèges[2]:
- les députés à la Chambre des Communes et au Parlement européen: 266 votants
- les membres du parti: 126’566 votants
- les membres cotisant au parti de syndicats et autres organisations affiliées: 211’234 votants
Chaque collège a le même poids: ce ne sont pas les voix mais les pourcentages que l’on additionne pour déterminer le total final de chaque candidat.
Par ailleurs le vote n’est pas uninominal (à un ou deux tours), mais préférentiel: chaque électeur range les candidats (tous, si ça lui chante, mais ce n’est pas indispensable) par ordre de préférence sur son bulletin de vote. C’est le dépouillement qui se déroule en tours successifs jusqu’à ce qu’un candidat remporte plus de 50% des suffrages: on appelle ça AV au Royaume-Uni, Alternative Vote System.[3].
Le processus est plus facile à suivre si l’on prend le collège des parlementaires (266 votants): David a recueilli 111 premières préférences, Ed 84, et les trois autres candidats 7 (Diane Abbott), 24 (Andy Burnham) et 40 (Ed Balls). Au tour suivant, Diane Abbott est éliminée, ses 7 électeurs ajoutent 1 suffrage alternatif à Ed Balls et 4 à Ed Miliband. Et ainsi de suite, respectivement, avec les suffrages alternatifs d’Andy Burnham et Ed Balls[4], ce qui conduit David à passer au quatrième tour le cap de la majorité absolue avec 140 suffrages contre 122 à Ed.
Même scénario dans le collège des membres du parti: c’est David qui l’emporte par 66’814 à 55’992. Mais dans le collège des membres cotisant au Labour de syndicats et autres organisations proches, Ed est en tête dès les premières préférences, obtenant une majorité absolue dès le troisième tour du dépouillement (élimination d’Andy Burnham) et creusant l’écart avec David après prise en compte des votes « alternatifs » de ceux dont la première préférence était Ed Balls[5].
Et alors qu’au départ David avait 37,78% des premières préférences et Ed 34,33% sur le total des votants dans les trois collèges, le résultat final proclame Ed élu avec 50,65% contre David 49,35%, en prenant en compte les suffrages exprimés par 262 parlementaires, 122’806 membres et 199’671 syndiqués et autres.
Notes
[1] Il avait refusé de se présenter pour empêcher une élection tacite de Brown après la démission de Blair, puis finalement renoncé à le défier l’été de l’année suivante, puis reculé lorsque James Purnell lui a offert l’ultime opportunité de provoquer une révolte du Cabinet quand il était encore temps (une démarche ultérieure de deux anciens membres du Cabinet fut, elle, trop tardive et trop faible).
[2] Sauf erreur, une même personne peut disposer du droit de vote dans plus d’un collège.
[3] Pour le distinguer de l’autre variante de l’élection majoritaire uninominale qui est le STV, Single Transferable Vote, dans lequel l’électeur indique seulement un autre nom au cas où son premier choix ne figurerait pas parmi les deux candidats ayant recueilli le plus de voix (scrutin à deux tours sur un seul bulletin, appliqué par exemple pour l’élection du maire de Londres).
[4] Dont les 40 électeurs donnent 26 suffrages alternatifs à Ed et 15 à David.
[5] Il me semble que l’on pourrait contester l’application du quatrième dépouillement à ce collège, puisque le troisième suffisait à définir une majorité absolue… et dès lors la réconciliation du pourcentage global dans les trois collèges donnerait David élu! Mais bon…
Tu es dur, je trouve au contraire qu’Ed est une très bonne nouvelle pour le Labour. David aurait été bien mais son jeune frère amène un peu de punch et n’est pas du tout le red qu’on présente.Je me suis fendu d’un billet sur le sujet.
On verra aux prochaines élections, alors qu‘a priori les travaillistes pouvaient espérer retrouver rapidement le pouvoir! Avec une majorité des membres du parti et une majorité des parlementaires qui ont voté contre lui (sans parler de la majorité des électeurs, y compris les seuls travaillistes, qui lui font moins confiance qu’à David), il part avec un fort handicap. Et l’opportunisme de sa campagne n’est pas bon signe…