Terrorisme et judiciaire sous l’oeil de la politique et des médias
Je médite quelque chose sur les notions de citoyenneté – nationalité – communauté, à partir de la déclaration d’indépendance du Kosovo (enfin), d’une part, du conflit israélo-palestinien d’autre part (avec en particulier la problématique des réfugiés palestiniens, des Arabes israéliens, des travailleurs palestiniens en Israël et, une fois la Palestine entrée en souveraineté, celle des Juifs de nationalité palestinienne, s’il en existe, et celle des Israéliens vivant et/ou travaillant dans l’Etat de Palestine… on peut rêver! Cf. cette tribune de Daniel Barenboim dans Le Monde). Tout cela assaisonné de considérations tirées de l’expérience fédérale suisse et de celle des différents pays qui composent le Royaume-Uni. Autant dire que ça ne sort par tout armé comme ça, et que cela risque même de ne jamais dépasser cette esquisse!
Faute de temps, je me contenterai de quelque chose qui ne tient pas même les promesses du titre, c’est dire si je fais appel à votre indulgence… Mais je voudrais au moins signaler, à l’occasion de la parution d’aujourd’hui, la chronique juridique du Daily Telegraph[1] car elle est remarquable et je ne connais rien d’équivalent dans les médias francophones. La page Law est placée sous la responsabilité d’un juriste, Joshua Rozenberg[2] (qui par ailleurs intervient occasionnellement les autres jours pour un commentaire, toujours une merveille de pédagogie et de pondération). Elle est hebdomadaire et contient un article fouillé et une série de brèves. On l’aura compris, cette rubrique se distingue du suivi courant des procès qui, dans le système anglo-saxon, occupe une part bien plus grande de l’actualité puisque l’instruction criminelle se déroule en audience publique, que les divorces ou autres questions de droit de la famille ne sont pas taboues ou que des procédures qui nous sont inconnues donnent lieu par exemple au feuilleton à grand spectacle sur la mort de Diana ou à des audiences sur la mort de soldats en Irak ou les circonstances de suicides ou d’accidents.
Il y a quelques semaines, la Cour d’appel[3], présidée par Lord Philips, a libéré 5 islamistes britanniques de l’acte criminel dont ils étaient prévenus en vertu de la législation anti-terroriste, qui impliquait la détention de documents et la consultation de sites web. J’avoue avoir été de ceux qui ont été agacés. Je me suis formé l’idée que les juges, une fois de plus, se drapaient orgueilleusement, mais indûment, dans la pose du défenseur des libertés tapant sur les doigts de la police et des ministres. Ils ne faisaient en réalité que refuser d’appliquer la loi votée par le Parlement parce qu’ils se meuvent dans un cocon intellectuel et matériel qui les coupe des réalités que vivent politiciens, policiers, citoyens et victimes et les pousse à l’angélisme et au paternalisme. Or il n’appartient pas aux juges de modifier les lois.
Eh bien Rozenberg me fait descendre de mes grands chevaux démocratiques contre le gouvernement élitaire des juges, et me voilà tout rassuré: c’est une problématique d’interprétation technique qui se posait, on n’était nullement dans l’un de ces cas où un tribunal se livre à des contorsions interprétatives pour étendre ou restreindre le sens manifestement voulu par le Parlement. Et elle concerne la loi dans sa teneur d’avant 2001, pour des actes commis en 2005, alors qu’en 2006 une nouvelle législation est entrée en vigueur: en d’autres termes la décision n’avait pas une grande portée d’actualité, contrairement à l’impression donnée par les compte-rendus des médias (qui soutenaient par exemple que la ministre de l’intérieur se retrouvait désormais avec une législation insuffisante et inapplicable sur les bras). Même Lord Philips remonte dans mon estime à l’évocation d’autres de ses décisions dans cette matière!
« La page Law est placée sous la responsabilité d’un juriste, Joshua Rozenberg« > Un peu comme si les pages juridiques du Monde étaient sous la responsabilité de Maitre Eolas?
« ils se meuvent dans un cocon intellectuel et matériel qui les coupe des réalités que vivent politiciens« > Ce n’est pas forcement mauvais, vu les inepties que pondent parfois les législateurs, toujours prompts a faire du particulier et du sensationel en vue des prochaines échéances électorales…