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Le bracelet rédempteur

Alex Dépraz

La question de la récidive des délinquants sexuels agite la France depuis quelques jours et les commentaires ont déjà  fleuri sur les blogs (voir notamment Versac et Maître Eolas). Le Monde revient dans son édition d’aujourd’hui sur la question, pour applaudir Sarkozy et critique la vision « angéliste » de la gauche. Les reproches de Laurent Greilsamer paraissent triplement infondés:

  • Premièrement, parce qu’au pouvoir la gauche a considérablement renforcé l’arsenal législatif contre les délinquants dangereux, particulièrement contre les délinquants sexuels. Notamment sous l’impulsion d’une certaine Ségolène Royal. Elle ne fait que timidement se réveiller aujourd’hui.
  • Deuxièmement, parce que parier sur la réinsertion est tout sauf un discours angéliste. C’est le fondement du droit pénal moderne. Si la loi pénale ne sert qu’à  protéger la société, construisons un bagne sur Mars. L’idée a de l’avenir, j’en suis sûr.
  • Troisièmement, parce que le moyen choisi pour lutter contre la récidive (soit le port d’un bracelet électronique applicable à  titre rétroactif et anticonstitutionnel) n’est d’aucune efficacité pour ces cas de criminels en série sortants de l’ordinaire (Dutroux, Guy Georges, Fourniret, et désormais Pascal Clément). Ils récidiveraient même s’ils avaient un bracelet électronique aux deux mains et une caméra de surveillance greffée sur l’épaule. Correction du 18.10.05: en réalité, c’est parce que la plupart des crimes sexuels ont lieu au domicile de l’auteur que le bracelet électronique est le plus souvent inefficace pour arrêter le criminel dans son entreprise coupable. C’est du moins l’avis du criminologue Martin Killias qui vient de livrer une étude sur le bracelet électronique en Suisse (voir le Temps du 3 octobre, « la vie avec un bracelet électronique ou la maison comme prison » malheureusement payant). A noter qu’en Suisse, le port du bracelet électronique est un mode alternatif d’exécution de la peine (qui remplace la prison ou le travail d’intérêt général) et non pas une mesure de sûreté.

Cette mesure sur la récidive n’est d’ailleurs que la partie immergée d’un iceberg qui a commencé à  geler au moment de l’affaire Dutroux : allongement des peines, allongement des délais de prescription, extension des définitions d’infractions. La réponse politique s’appelle depuis longtemps répression.

En Suisse, l’initiative pour l’internement à  vie a passé le cap du vote populaire en 2003, ce qui est très rare pour une initiative. Et, le projet qui doit la concrétiser dans le Code pénal en prévoit une application rétroactive aussi. Notre « ministre de la justice », docteur en droit, a d’aussi bons souvenirs d’études que son homologue français…

Le plus grave, c’est que ce discours de la « récidive zéro » passe. Alors même qu’un système pénal reposant sur les principes de Beccaria et les droits fondamentaux produit forcément un risque de récidive. Mais, il est bien plus commode de faire croire au citoyen que la liberté n’a pas de prix.

Billet originellement envoyé comme commentaire après le billet du 29.09, mis en ligne le 14.10.