Adam (provisoirement) dépassé par son succès
Dernière édition: vendredi 31.12 à 18h25 – voir en fin de billet
Folle semaine aux grilles du Jardin d’Eden, à l’annonce de l’arrivée imminente d’Adam. Ambiance digne de la mise en vente d’un Harry Potter ou d’un gadget de Apple, même si la foule accourue camper alentour était virtuelle (en ligne) et mondiale (pas locale, dans la rue chic de quelques villes). Avec les inévitables désagréments des effets de foules, et les grilles qui n’ont pas tenu… Les plus chanceux ont obtenu leur ticket pour voir Adam en janvier, mais le quota pour les meilleures places a été épuisé en deux heures et nombreux sont ceux qui sont repartis frustrés, tandis que les mauvais esprits susurrent qu’il n’existe pas.
Désolé, mais j’ai vraiment une peine folle à me concentrer sur quoi que ce soit d’autre! Autant que je vous en fasse profiter, en attendant qu’un journaliste économique conte comme elle le mérite toute la saga de Rohan Shravan, Notion Ink et Adam dans un livre, puis un film.
On savait depuis des semaines que la date du 9 décembre serait importante: sur le site officiel, un compte à rebours quelque peu énigmatique (rapidement dévoilé) pointait vers cette date. Ce sera l’ouverture d’une procédure de pré-commande du Adam, selon le sentiment général parmi les commentateurs du blog (ils sont nous sommes alors régulièrement de l’ordre de 2’500 par billets) qui par ailleurs harcèlent Rohan pour obtenir un accès privilégié aux premiers Adams pour les disciples de la première heure.
Le 4 décembre, dans un billet qui, selon son habitude, est riche de détails affriolants, de mystères et de frustrations[1], Rohan annonce que toutes les personnes qui ont contribué à l’aventure par un commentaire sur le blog (et ainsi donné leur adresse électronique) disposeront d’une ouverture privilégiée avant que la procédure de pré-commande soit ouverte à tous… Scènes de préaux d’école enfantine: « C’est pas juste! » s’écrient les lecteurs silencieux, parfois de longue date, frénésie de commentaires pour laisser in extremis son adresse et questions angoissées tournant à l’hystérie sur les modalités pratiques (quand? serons-nous avertis par courriel? quelle sera la durée de la fenêtre privilégiée?). Tout cela s’ajoute aux commentaires usuels pour faire monter le nombre à plus de 8’000 en quelques jours. D’autant que Rohan annonce à demi-mots (comme la suite le confirmera) la présentation par Google, le 6, d’une nouvelle version (2.3, Gingerbread) du système d’exploitation Android pour téléphones portables sur lequel l’Eden du Adam est conçu.
Il ne faudra que quelques heures au billet suivant pour recueillir le même nombre de commentaires: la veille du grand jour, sous un titre rapidement décrypté comme la proportion idéale connue, en esthétique géométrique, comme le « nombre d’or », une simple photo d’un drap de velours rouge recouvre ce qui est manifestement un Adam. La photo contient un message caché, elle fait place quelques heures plus tard à une nouvelle photo dévoilant à moitié le Adam avec un autre message caché: la tension est à son comble, des milliers de personnes (dont moi) passent stupidement des heures à rafraîchir leur écran et lire les commentaires quand ils n’en écrivent pas…
Rien lorsque sonne 0h (heure indienne) le 9, le temps passe… Plus tard la photo du billet du 8 change à nouveau, confirme qu’il s’agit bien du lancement de la pré-commande, mais pas encore tout de suite! A l’heure européenne, c’est dans l’après-midi qu’un nouveau billet de Rohan apporte une nouvelle masse d’informations et annonce que les privilégiés recevront leur courriel dans quelques heures; puis une demi-journée plus tard la pré-commande sera ouverte à tous. Car Notion Ink révolutionne aussi la commercialisation: les quatre modèles du Adam (deux avec l’écran Pixel QI, très économe pour la batterie et permettant une utilisation parfaite en plein soleil, et deux avec écran LCD normal, se déclinant en connexion par Wifi seulement ou Wifi + carte SIM 3G — dont il existe deux variantes pour les différentes parties du monde –, soit six versions en tout) sont vendus directement par le fabricant à un prix unique mondial qui s’étage entre US$ 375.33 et 549.99, plus une charge uniforme pour la livraison, quelque soit le pays, de US$ 50.00[2].
La pression devient folle, les grilles commencent à plier… Avec un peu de retard les premiers courriels avec le lien privilégié commencent d’arriver (souvent retenus par les filtres anti-spams, mais ça n’a pas été le cas pour moi), et nombreux sont les commentateurs fidèles qui s’inquiètent de ne pas le recevoir[3]. Mais la connexion avec le site se révèle difficile: forte demande, évidemment! Quand on y parvient, le formulaire laisse subsister quelques incertitudes (garantie et conditions de la transaction pas claires pour le consommateur exigeant en mode défensif, pas de sélection de la variante 3G: un avantage pour ceux qui ne sauraient pas laquelle est nécessaire dans leur pays, un inconvénient pour qui veut faire une commande atypique) voire se révèle franchement problématique: le seul moyen de paiement accepté est une carte Visa ou American Express (ni MasterCard ou autre, les guichets PayPal ou Google check-out ne sont pas ouverts). Bref, c’est le parcours du combattant, chacun pour soi, Adam pour quelques uns…
Sur le blog, la foule est à bout, Rohan intervient rapidement pour reconnaître les problèmes, et sur les sites et forums spécialisés le débat fait rage: désastre dont Notion Ink ne se relèvera pas, ou maladie d’enfance qui sera rapidement oubliée?
Avec trois jours de recul, je crois que c’est un immense succès et qu’il n’y a pas à regretter les attentes excessives suscitées et les difficultés rencontrées[4]: les ordres (débités immédiatement) affluent. Les exemplaires prévus pour la pré-commande[5] des deux modèles les plus chers (avec l’écran Pixel QI) sont épuisés en deux heures. Moi j’étais dans les temps mais suis au nombre de ceux qui ont été victime de la méfiance de leur banque face à une transaction avec une entreprise indienne: le temps d’aller dormir et de débloquer la transaction par téléphone, c’était trop tard (je prévoyais de toute façon d’en acheter plusieurs: au diable l’avarice, j’ai fini par acquérir un exemplaire « bas de gamme »[6] pour commencer, il me permettra de faire sans délai mes premiers pas avec Adam[7]). Le processus de commande s’améliore de jour en jour et la présentation ultime du Adam en état de marche au CES de Las Vegas du 6 au 9 janvier, son examen indépendant par les médias et blogueurs spécialisés pourront rassurer définitivement ceux qui se sont finalement retenus de passer une pré-commande.
De mon point de vue, si un malentendu s’est installé c’est parce que Notion Ink propose un produit très innovant et très complet, très en avance sur le marché[8] alors que l’entreprise reste, malgré tout, une simple start-up, indienne de surcroît. La vente directe mondiale, sans importateur et autres intermédiaires, créait visiblement le malaise dans une clientèle américaine, tout particulièrement, habituée à être choyée, privilégiée, chez elle. Le reste du monde, lui, apprécie de ne pas venir seulement plus tard, et prendre en charge par un prix supérieur le coût élevé du marketing à l’américaine. On voit aussi les difficultés d’un marché que l’on voudrait unique mais qui reste fragmenté par les procédures d’homologation, les différences de réseaux électriques ou 3G et les législations protectrices des consommateurs: le désir de Notion Ink d’offrir une garantie universelle simple mais juste pourrait bien se heurter à des exigences accrues dans certains pays.
Tout cela n’est de toute façon que transitoire. On peut parier que dans quelques mois c’est par les canaux habituels que l’Adam sera en vente: le cash flow et la crédibilité acquise par le produit permettront alors de constituer des stocks et de décentraliser la distribution.
La comparaison, il faut la faire avec l’Apple I construit par Steve Jobs et Steve Wozniask dans le garage mythique et vendu à quelques dizaines ou centaines d’exemplaires sur place, ou même avec l’Apple II: il n’y avait alors évidemment pas l’infrastructure luxueuse, le service client généreux que la situation très confortable de l’entreprise permet de payer aujourd’hui (et dont des internautes étourdis s’étonnent que Notion Ink ne dispose pas). Ou même avec le premier ordinateur que j’ai acheté, l’Osborne 1 en 1981: il m’a coûté dix fois plus cher qu’un Adam.
On voit le chemin parcouru, tant pour ce que doit être aujourd’hui une start-up qui se lance que pour les utilisateurs.
COMPLEMENT DU 30.12 à 11h15: Bienvenue aux lectrices et lecteurs de Jean-François! L’occasion aussi de signaler qu’il existe désormais un site indépendant et complet consacré à Notion Ink et Adam, si le site officiel vous a mis l’eau à la bouche mais que le rattrapage de près de deux ans de blog vous rebute…
COMPLEMENT DU 31.12 à 18h25: Une bonne nouvelle pour celles et ceux qui ne maîtriseraient pas suffisamment l’anglais: un blog en français sur l’Adam!
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Notes
[1] Délicieux supplice pour les afficionados et autres habitués, mais probablement déconcertant pour les nouveaux venus par la rumeur alertés…
[2] A cela s’ajoutent encore d’éventuelles taxes à l’arrivée!
[3] On saura plus tard que sur les 30’000 adresses de ce publipostage, seules 10’000 ont été envoyées, à la suite d’un problème technique.
[4] Je rejoins ceux qui pensent que le lancement de la pré-commande puis les informations distillées depuis lors (nombre de vidéos, en particulier) pourront rétrospectivement s’analyser comme le brillant moyen pour Notion Ink de maintenir son avance parmi les connaisseurs et sa visibilité dans les médias spécialisés, alors que le CES promet une avalanche de nouvelles tablettes par les grandes marques – sans croire pour autant que les problèmes ont été voulus pour augmenter la tension! (note du 30.12, 12h25).
[5] Car, n’en déplaise à ceux qui soupçonnent une escroquerie (ou une déception telle que celle d’une tablette Android que l’on avait cru prometteuse, le WeTab allemand — on ne sait vraiment plus à qui se fier!), Notion Ink ne prend pas de pré-commandes en liste d’attente.
[6] Loin de là , en réalité, et à seulement US$ 425.– livraison incluse, soit un peu moins en CHF.
[7] Puis probablement de laisser ce modèle connecté à la TV quand le Pixel QI Wifi+3G sera à nouveau disponible.
[8] La présentation par Google de la version Gingerbread de Android a montré que Adam en incorporait par avance la plupart des éléments; mieux, il anticipe en réalité sur la version suivante, Honeycomb!
Excellentissime compte rendu de ce qui s’est passé sur le blog de Notion Ink 🙂 Bravo pour ton analyse des enjeux. Je la partage de bout en bout. Je n’ai pas obtenu le fameux mail de pré-commande mais je ne m’en plains pas. Cette tablette contient tout ce que je souhaite avoir dans un appareil de ce genre. Pour moi, ce sera un Adam ou rien. Encore bravo pour ton post.
Je suis tenté mais j’attends quelques mois, le temps d’avoir tes impressions… à froid. 😉
@ Kline: merci! Es-tu déjà membre de NotionAddicts? 🙂
@ Bashô: de toute façon maintenant il faut attendre que le Pixel QI soit à nouveau disponible… (t’ai raté hier, mais bon anniversaire quand même!)
Bon résumé de la situation ! Version LCD WIFI précommandé 🙂 Vivement qu’Adam me rejoigne dans le canapé ;p
j’ai suivi la ‘debacle’ en direct et j’ai pas ete productif du tout ce fameux 9 Decembre, ni le 10 d’ailleurs.
Je suis le blog de NI depuis le printemps meme si j’ai jamais poste (tourner sa langue 7 fois dans sa bouche avant de parler s’est revele utile) et je veux un(e) Adam comme tout le monde.
cela dit a aucun moment je n’ai ete pres a debourser $500 sans video ou test prealable. je trouvait le manque de couverture (au moins sur les techblogs) frustrant mais ca risque d’etre pire si la video tant attendue du produit promise pour samedi ne met pas tout le monde d’accord. on devrait etre fixe bientot cela dit 🙂