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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

L’horreur en grand et en petit

Il y a les grandes tragédies comme la tuerie de Virginia Tech, où l’on oscille entre la simple émotion humaine et le deuil par procuration, plus voyeuriste. Mais il y aussi les petites horreurs quotidiennes, du type clochard battu à  mort par jeu, ou ce fait divers britanniques impliquant quatre femmes qui se sont filmées encourageant deux bambins à  se battre à  la manière d’un combat de coqs.

Sur la grande, mon premier réflexe est de ne pas me précipiter sur l’info, de me protéger en quelque sorte. Nous ne regardons guère la TV et ce n’est pas ça qui va me faire l’allumer, les journaux sont bien préférables (j’en viendrais même à  regretter le newsmagazine d’antan). Et le net avec du recul. Je me retrouve tout à  fait dans ce qu’écrit un chroniqueur britannique que j’aime bien, Andrew Marr:

One of the endless problems of journalism is the awful, big event which is basically resistant to analysis, as in the Virginia university massacre. Rightly, any newspaper or TV organisation thinks it should show respect, and « proper news values », by describing the killings and the killer at some length. But it’s also one of those stories which, frankly, tells us absolutely nothing about the human condition we did not already know, and has nothing to say about life here in Britain. (…)
Perhaps we need a new typeface which announces: dreadful, nothing to add.

De ce que je retiens pour le moment, il y a l’agacement[1] à  l’égard du réflexe de chercher à  blâmer quelqu’un d’autre[2] que le meurtrier[3]: les autorités policières, universitaires, sanitaires, et en sens inverse à  l’égard du « politiquement correct » de certaines de ces dernières, comme cette candide volonté de ne pas « discriminer » les personnes qui ont un problème de santé mentale… Quand donc comprendra-t-on que « discriminer » c’est faire des distinctions sans raison ou pour de mauvaises raisons, mais pas pour des bonnes? L’agacement bien sûr à  l’égard de la curée sur la tradition américaine en matière d’armes en guise de bouc-émissaire[4]. Et l’admiration à  l’inverse devant cette nouvelle manifestation de la réalité cosmopolite du « rêve américain » et ces petits actes de vraie humanité: ce professeur rescapé de l’Holocauste, qui enseigne toujours à  76 ans, et qui meurt en protégeant ses élèves qu’il incite à  sauter par la fenêtre; cet étudiant qui se fait un garrot avant de s’évanouir, sauvant sa propre vie…

Mais c’est plutôt l’autre histoire, sur laquelle je suis tombé par hasard, qui me plonge dans un abîme de perplexité. Ce monde où la mère, les tantes et la grand-mère rient aux éclats à  leur petit jeu cruel, et où le père des enfants, de retour de service en Irak, fond en larmes en découvrant la vidéo. Son réflexe, alors, d’aller se plaindre aux services sociaux, qui contactent la police, qui met en oeuvre la justice, qui condame les femmes… Ce policier qui s’émeut des actes anormaux que l’on aurait fait faire aux enfants: en réalité se battre est naturel (et la nature n’est pas toujours positive!), c’est une vie d’éducation et de civilisation qui combat chez chacun de nous l’instinct de violence, personnel et par procuration. Et il y a bien sûr les stéréotypes sexuels, du plus ancien (inciter le garçon à  taper pour montrer qu’il n’est pas un pédé) au plus moderne (inciter la fille à  ne pas s’avouer battue).

Venant après bien d’autres, cette affaire nourrit insidieusement le soupçon que, conformément au préjugé, la société britannique a un profond problème de psychologie collective tournant autour de la relation aux enfants, de grossesses adolescentes en éducation en internat à  mauvais traitements fréquents à  ruptures familiales, et de la relation entre hommes et femmes (du moins pour les hétéros), dans cette culture de la séparation des sexes et de la « cuite » apparemment indispensable à  tout rapprochement entre eux… Ce qui ne veut pas dire que les animaux sont toujours mieux traités!

Notes

[1] Ou l’indignation? Mais non, la mesure ici fait aussi partie de l’hygiène mentale.

[2] Joint à  un certain auto-apitoiement veule de la part de survivants.

[3] Comme bien sûr de l’attitude de celui-ci rendant tout le monde sauf lui, pauvre victime, responsable de son acte!

[4] J’avoue avoir été ébranlé par cet article.