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Suicides de Guantanamo: la perte de l’instinct de survie n’est pas chez ceux qu’on croit

Le mode compassionnel de la « profonde inquiétude » du président Bush à  la suite du suicide de trois détenus de Guantanamo n’a naturellement pas été porté à  son crédit. Le mode sarcastique ou analytique des porte-paroles qui y ont vu, respectivement, une opération de relations publiques ou un acte typique dans un conflit asymétrique, ont quant à  eux soulevé l’indignations des belles âmes révulsées devant tant de cynisme. Pour ma part je n’ai pas oublié qu’en 1978 Andreas Baader[1] et deux de ses acolytes emprisonnés avec lui à  Stuttgart-Stammheim avaient fait bien mieux: ils avaient maquillé leur suicide collectif en vue de le faire passer pour un assassinat (thèse toujours soutenue dans les milieux alter).

Le Monde n’offre pas les arguments les plus convaincants en vue de la fermeture de Guantanamo en citant comme précédents qui n’auraient jamais dû exister l’internement des Japonais aux Etats-Unis après Pearl Harbor (était-ce si déraisonnable?) ou le refus thatchérien de céder au chantage des grèves de la faim des militants de l’IRA emprisonnés (ah bon, elle aurait dû céder à  des terroristes experts dans l’art de se poser en victimes?). A mon sens, c’est la forme qui fait problème, pas vraiment le fond. Après avoir vu qualifier Yves Roucaute de « salaud » dont l’article paru dans Le Figaro est « à  gerber« , j’ai été surpris qu’il soit aussi intéressant: mais lisez-le vous-même[2].

J’ai l’émotion aussi facile que n’importe quel autre bourgeois de gauche à  l’égard du sort de détenus pénaux emprisonnés dans des conditions insalubres, exposés aux violences (et aux viols) de leurs co-détenus, parfois avec l’assentiment voire la complicité active de « gardiens » agents de l’Etat quand ceux-ci ne participent pas eux aussi aux brimades, et bien sûr à  l’égard de cette ultime manifestation de désespoir que peut représenter le suicide. Mais je fais la distinction entre une telle situation, courante dans les prisons américaines (dont les conditions sont certainement pires que Guantanamo) mais aussi françaises[3] ou suisses et l’attitude de prisonniers dans une situation de guerre — et non d’opération de police.

La sensiblerie déplacée et la confusion intellectuelle entre droit de la guerre et droit pénal me paraissent relever d’une perte collective de l’instinct de survie. On en voit des manifestations préoccupantes tous les jours: ainsi, après l’annonce de la mort de Zarquaoui, il s’est trouvé un lecteur du Daily Telegraph pour s’étonner que l’on ait envoyé des avions bombarder la maison alors qu’il n’était même pas inculpé…

Notes

[1] Fondateur, avec Ulrike Meinhof, de la Fraction armée rouge (RAF), cellule terroriste allemande.

[2] Quelqu’un est à  même de m’expliquer la politique du Figaro en matière de pérennité des liens gratuits? Merci d’avance.

[3] Qu’on se rappelle l’action remarquable menée, avec notamment Loïk Le Floch-Prigent, par les « cols blancs » français qui ont eu à  coeur de ne pas oublier ce dont ils ont été les témoins durant leur détention ou le débat suscité par le livre de Véronique Vasseur.

9 commentaires

  1. 13 juin 2006

    Dans le même genre il y a après la mort de Zarkaoui la manifestation de compassion du père de Nick Berg, celui qui avait été décapité… alors que par ailleurs il ne cesse de critiquer les EU ! Sur POI une psychanalyste interprète cela comme une attitude de soumission liée à  la peur.

  2. x
    14 juin 2006

    Vous semblez ignorer que les prisonniers de Guantanamo ne sont pas considérés, par les USA, comme prisonniers de guerre. Donc, exit le droit de la guerre. Et, comme vous le dites, exit le droit pénal. Alors, ces gens, enfermés à  Guantanamo, ont-ils des droits? Non, aucun.

    De ce fait, vous semblez ignorer un autre élément. Dans les prisons américaines, françaises ou autres, qui détiennent des détenus de droit commun, les mauvais traitements existent, mais ils ne sont pas voulu par l’Etat. Ils sont même prohibés. Soit, c’est formel, et ont peut se demander si, dans certaines prisons, un certain degré de violence n’est pas sciemment entretenu. Néanmoins, ce n’est pas une volonté étatique que l’Etat applique en infraction consciente avec les lois qu’il établit. A Guantanamo, les mauvais traitements semblent être organisés par les plus hautes autorités (à  Abu Ghraïb, c’était en tout cas assez visible), ceci en pleine opacité, et dans un déni de droit complet (car ce sont des prisonniers de guerre, que les USA le veuillent ou non). Or, si vous vous targuez de défendre la vertu par de tels comportements, il convient de noter que la démocratie se double d’une nécessaire transparence sur les agissements de l’Etat. Lorsqu’un Etat sacrifie ses valeurs fondatrice (l’Etat de droit), on peut se demander quelle vertu il protège, et quelle vertu il détruit.

    En réalité, en créant des zones de non-droit, et en y appliquant de mauvais traitements, les USA sacrifient le socle sur lequel ils sont fondés. Quelle liberté y a-t-il, quand on peut vous emprisonner dans un lieu où l’on vous retire votre qualité d’être humain? Car, oui, ça peut arriver à  tout le monde, par erreur, ou par un abus de pouvoir supplémentaire. Qui fait régner la terreur, à  ce tarif, l’Etat ou les terroristes? N’est-ce pas le but des terroristes, que de pousser des Etats démocratique dans ce genre de travers, pour les mener à  une forme de désagrégation, et à  la lutte barbare qu’ils appellent de leurs voeux?

    A mon sens, ce non respect de règles fondamentales est exactement le but poursuivi par les terroristes. Par ce biais, ils font de nous ce qu’ils sont, et n’est-ce pas là  leur objectif déclaré?

    De surcroît, je relève encore que les pays d’Europe, au vu des affirmations de Dick Marti, n’ont pas à  se vanter de faire mieux. Laisser faire le sale boulot aux USA et les assister discrètement dans cette tâche n’est pas un comportement plus valeureux, ou plus productif.

    Enfin, pour juger du suicide des ces prisonniers (on admettra qu’il s’agit bien de suicides), il vous faudrait au moins vous questionner sur la perception qu’ils en ont. Je m elance un peu, mais il me semble que des ifondamentalistes religieux tiennent généralement le suicide pour un péché très grave. De plus, ceux dont nous parlons souhaitent de plus, en cas de mort, le martyre (donc une mort sur le champ de bataille, en tuant des ennemis). Leur suicide semble être, dès lors, un acte indiquant un état de détresse psychologique extrême. Par quoi est-il causé?

  3. clic
    14 juin 2006

    bah, on ne connait pas ces types, on ne peut pas analyser leur suicide. Ni dans un sens, ni dans un autre. En absence de toute information, ces divagations ne nous renseignent que sur le positionnement idéologique des analystes (anti ou pro américain « primaires » comme l’on dit, peuvent se renvoyer longtemps la balle). Ceci dit, l’absence d’information, quand à  elle, relève d’une responsabilité: celle de l’administration US. On peut au moins les blâmer pour ça.

  4. x2
    14 juin 2006

    @ x: « mais il me semble que des ifondamentalistes religieux tiennent généralement le suicide pour un péché très grave »

    c’est pour cela qu’il se font régulièrement exploser au milieu de foules innocentes.

    « A Guantanamo, les mauvais traitements semblent être organisés par les plus hautes autorités (à  Abu Ghraïb, c’était en tout cas assez visible) »

    parler de mauvais traitement à  propos d’un simple bizuthage de mauvais gout certes, mais enfin sans séquelles physques aucune, c’est de l’humour ?

    Plusieurs rapport, y compris d’anciens prisonniers de gitmo, ont fait état, au contraire, d’un traitement correct des prisonniers. Et si certains ne résistent pas à  la pression induite par l’emprisonnement, cela est dommage, mais on ne pleurera pas pour eux.

    le principal mauvais traitement, c’est celui subi par l’information objective par la faute d’un anti américanisme obsessionnel.

  5. clic
    14 juin 2006

    tien, voila un message qui relève bien de ce pro américanisme primaire. Une fois de plus, on ne sait pas qui sont ces détenus, il y a de bonnes chances pour que des personnes y soient sans raison valables, ce qui fait une bonne raison d’en vouloir au gvnt US, à  défaut de pleurer. J’ai en tout cas l’impression qu’en toute objectivité, vous sélectionnez bien vos sources… j’ai beau chercher, j’ai trouvé aucun rapport d’ancien prisonnier parlant d’un régime correct. Par contre, google permet de trouver une foultitude de rapports et interviews allant dans le sens contraire. Mais je serais ravi de découvrir vos sources. Sur le fond, étant donné l’effort qu’a fait Washington pour placer Guantanamo hors du droit, il serait étonnant qu’ils veillent ensuite à  strictement respecter le droit, non? à  moins qu’ils n’aient implanté la prison à  Cuba pour la vue sur les plages? (car comme dit si bien Roucaute « le néoconservatisme est un humanisme »!!!)

  6. X
    15 juin 2006

    X2, vous ignorez sciemment que je fais une différence entre le suicide, et un suicide sur le champ de bataille. Les fondamentalistes musulmans, comme, en bonne partie, les martyrs chrétiens, les vikings ou les kamikazes, désirent mourir pour la cause. Faire quelque chose de « grand » pour la cause est lié au fait de devoir en mourir. Il y a une nette différence entre ça, et se pendre dans une cellule, dernier stade de l’impuissance (à  moins de prouver qu’ils se sont suicidés dan sle but de faire avancer la cause de leur fondamentalisme).

    Quant à  qualifier ces mauvais traitements de « bizutages », eh bien… Dans l’armée russe aussi, on bizute comme ça.

  7. 15 juin 2006

    “C’est dans nos banlieues et au sein de nos communautés musulmanes, en Europe, que les recruteurs d’Al-Qaida et autres prosélytes intégristes viennent se fournir, avec des arguments gracieusement offerts par les chefs militaires du Pentagone et l’Attorney General Alberto Gonzales.”

    Bel exemple en effet de la part du quotidien de révérence français et après nos Chirak et Schoeder puis Zapatero et Prodi, de capitulation préventive érigée en… stratégie anti-terroriste !

    http://jcdurbant.blog.lemonde.fr/jcdurbant/2005/03/capitulation_pr.html

  8. 15 juin 2006

    Autre bel exemple de « capitulation préventive » retrouvé dans mes archives:

    “C’est un moment génial de l’histoire de France. Toute la communauté issue de l’immigration adhère complètement à  la position de la France. On n’avait pas les bonnes conditions d’hospitalité, avec une immigration mal gérée, mal préparée, doublée d’une crise sociale et urbaine: on a eu tout en même temps. Et tout d’un coup, il y a une espèce de ferment. Profitons de cet espace de francitude nouvelle.”

    Jean-Louis Borloo, ministre délégué à  la Ville, avril 2003

  9. Justin the Cynical
    15 juin 2006

    Restons lucides : la seule véritable raison pour laquelle il convient de respecter les droits de ses pires ennemis est l’espoir qu’on veut garder de ne pas subir pire de leur part à  supposer qu’ils gagnent.

    Donc, traiter les ex-miliciens afghans comme des « ennemis », c’est nous exposer, tous autant que nous sommes, à  subir le même sort que celui que nous leur infligeons en cas d’émergence effective d’une union musulmane internationale. Est-ce donc si problématique que de respecter autrui ?

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