Un Swissroll RSS

Webmix

Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Quand l’activisme politique découvre les frappes intelligentes

En France, ce n’est pas l’intégralité des signatures à  l’appui des candidatures à  la présidentielle qui seront publiées, mais seulement les 500 premières tirées au sort; aux Etats-Unis (cette « démocratie » pourrie, n’est-ce pas), la liste nominative des donateurs en vue de l’élection d’un député à  un parlement d’Etat peut être consultée par tout un chacun sur le web: c’est l’une des nombreuses réflexions que je me suis faites en lisant un passionnant article publié dans la revue The Atlantic[1]. Il montre comment, à  côté du militantisme émotionnel de toujours, à  côté de l’outil nouveau que représente le web pour mobiliser l’énergie dispersée, ces milliardaires qui révolutionnent déjà  la philanthropie sont en train d’appliquer le même professionnalisme à  l’utilisation de l’argent, ce nerf de la guerre vieux comme le monde, dans les campagnes politiques.

C’est l’histoire de Tim Gill, un quinquagénaire du Colorado, d’un milieu républicain traditionnel bon teint, qui a fait fortune dans les logiciels et qui, comme les Omidyar (Ebay), Bill Gates ou d’autres, a choisi de se retirer de la production pour se consacrer au bon usage de son temps et de sa fortune: pas seulement au sens égoïste du terme, mais pour les mettre au service des causes qui l’intéressent, et de la promotion du professionnalisme efficace dans un tiers secteur dont l’altruisme ne doit pas servir d’excuse à  l’amateurisme.

Gill est également gay, et n’en a nullement honte. Il est l’un des promoteurs de la visibilité tranquille: simplement montrer (et faire reconnaître) que des gays peuvent aussi donner du temps et de l’argent pour des causes n’ayant rien à  voir avec leurs intérêts comme minorité; on vous en avait parlé ici. Mais il en est aussi venu à  exercer son regard d’entrepreneur sur la manière dont fonctionne le financement des campagnes politiques.

Cela l’a conduit à  une démarche originale: délaisser (relativement) la scène fédérale pour observer, nationalement mais au niveau des Etats, les politiciens qui émergent; agir de manière strictement tactique, en fonction de la situation locale et du rapport coût/efficacité, pour stopper net ceux qui ont un programme homophobe. Non par une campagne centrée sur ce thème (au contraire: il s’agit aussi de ne pas mobiliser ceux qui les soutiendraient de ce fait): simplement en appuyant financièrement leur adversaire pour lui donner le coup de pouce décisif. Morceau d’anthologie qui ouvre l’article: le journaliste téléphonant à  Danny Carroll, principal héraut de l’interdiction du mariage et autre partenariat pour les couples de même sexe en Iowa. En tant que président de la Chambre des Représentants de l’Etat, il aurait été dans une position décisive pour en faire une priorité… s’il n’avait été battu de manière inattendue. Il ne croit pourtant pas au « complot » contre lui jusqu’à  ce que, tous deux connectés à  la liste en ligne des dons faits à  son adversaire, il découvre ces mystérieux versements de 1000$ en provenance de tous les coins des Etats-Unis…

Je m’arrête là  dans la paraphrase, lisez vous-même. Bien sûr cela soulève des questions sur les campagnes négatives, le rôle de l’argent et les manoeuvres de coulisse. Mais cela ouvre aussi de nouvelles perspectives sur la stratégie à  suivre pour faire reculer réellement et de manière durable les obstacles à  la liberté et à  l’égalité pour les gays et les lesbiennes (et ce n’est probablement qu’une illustration d’une leçon plus générale): viser l’efficacité, ne pas chercher à  se faire plaisir ou à  provoquer par jeu. Et cela montre une fois de plus combien le système démocratique américain est tellement plus subtil et sophistiqué qu’on le croit en Europe.

Notes

[1] Merci à  Gérard de me l’avoir signalé!

Un commentaire

  1. 10 mars 2007

    « subtil et sophistiqué » je ne crois pas que cela soit le bon point de vue.

    Le système américain est pour moi simplement plus transparent que les notres.

    Les travaux des fonctionnaires sont dans le domaine public (et non restreints cf BNF, legifrance, IGN, …), les organismes statistiques sont indépendants et diffusent métronomiquement leur données (cf INSEE), la liberté d’expression des fonctionnaires est sérieusement protégée, etc…

    Cela fait une grande différence, et c’est plutot simple et efficace que subtil :).

    Quand aux dons et donateurs, c’est plus un problème psychologique des français qui ont de l’argent qu’un problème législatif, en effet la législation française est maintenant la plus avantageuse du monde pour les donations : 66% déductible des impots jusqu’a 20% du revenu (triplement de la donation a cout constant donc) – maintenant l’abattement est intégré donc l’effet est encore plus fort et non plafonné.

    Pour quelqu’un qui joue le jeu de la générosité, le taux marginal d’impot sur le revenu est donc de 40% – (66%*20%) = 26.8% si il (ou elle) consacre (100%-66%)*20% = 6.8% de son revenu avant impot a des donations. Un taux marginal de 26.8% c’est tres tres faible.

    Ma cause favorite (donations 2005 et 2006 pas encore rendues publiques).

Les commentaires sont fermés