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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Personnalités: être ou ne pas être "out"?

Le Vert Bernhard Pulver, qui vient d’être élu à  Berne, est le premier membre d’un exécutif cantonal ouvertement gay (il fut membre du comité de Pink Cross).

Mais il n’est évidemment pas le premier Conseiller d’Etat homosexuel[1]: il y en a au moins trois en ce moment dans les seuls cantons romands, à  droite comme à  gauche. Ils ne s’affichent pas comme tels, refuseraient probablement d’en parler publiquement, mais ne s’en cachent nullement vis-à -vis de leurs proches, de leurs collaborateurs ou de leur parti. C’est une attitude déjà  fondamentalement différente de celle qui prévalait jadis voire naguère (mais ne serait sans doute plus tolérée aujourd’hui), à  base de déni voire de mensonge.

Pulver marque l’aboutissement naturel d’une évolution de l’implicite assumé vers l’explicite revendiqué que personnifie le premier citoyen du pays, Claude Janiak, socialiste de Bâle-Campagne, dont le premier mandat électif remonte à  1975 et qui a tenu à  évoquer son partenaire dans son discours inaugural de président du Conseil national.

En France, deux animateurs de télévision ouvertement gays, Stéphane Bern et Marc-Olivier Fogiel, viennent de perdre une procédure dans laquelle ils prétendaient revendiquer un « droit à  la vie privée » à  ce propos. Voir ce billet de Jules à  Diner’s room, ma contribution dans les commentaires et le corps du délit.

Politiciens, journalistes, patrons, syndicalistes, sportifs ou acteurs: je considère pour ma part qu’il y a, pour les personnalités, une responsabilité d’assumer publiquement et explicitement l’orientation sexuelle qui est l’une des nombreuses facettes de leur identité. Elles au moins ne courent pas les risques auxquels le commun des mortels peut encore éventuellement être exposé — et plus elles seront visibles, plus les préjugés et fantasmes homophobes pourront être dissipés, moins difficile sera l’acceptation de soi pour ceux qui découvrent leur attraction pour les personnes du même sexe.

Notes

[1] Combien d’hétéros, surtout pas homophobes mais qui n’auront pas vraiment réfléchi à  la question, pour le croire néanmoins et imaginer en toute bonne foi qu’ils ne connaissent personnellement aucun gay, aucune lesbienne?

5 commentaires

  1. 15 avril 2006

    Personnellement, je me réjouis du temps où l’orientation sexuelle d’un élu ne sera plus un élément nécessaire dans la communication politique. Cela signifiera que l’on s’occupera du travail politique de la personne et non pas de la couleur de sa cuisine, de ses orientations sexuelles ou de la marque de sa voiture. Cela signifiera aussi que la tolérance et le respect des gens dans leur singularité et de leurs différences sera effectif. Qu’un personne soit hétér-, bi-, homo-sexuelle ne m’intéresse pas. Ce n’est pas sur ces critères que je me détermine envers une personne au niveau privé, professionnel ou politique.

  2. Comme tu l’as noté, nous ne partageons pas exactement la même position ; enfin, c’est à  voir.

    > je considère pour ma part qu’il y a, pour les personnalités, une responsabilité d’assumer publiquement et explicitement l’orientation sexuelle qui est l’une des nombreuses facettes de leur identité.

    …, écris-tu

    Il y a plusieurs choses. La première est que tu postule que l’orientation est un élément de l’identité et non pas un simple comportement. Je te suis sur ce point. Il me semble que l’orientation sexuelle ne procède pas d’un choix, mais détermine l’individu.

    Tu dis encore qu’il y a une « responsabilité » d’assumer publiquement son orientation sexuelle. Derechef, le choix de tes mots implique que la révélation de l’orientation sexuelle peut présenter des inconvénients qu’il convient d‘assumer.

    Sur la responsabilité, je ne sais. Vis à  vis de qui, en réalité ?

    Si l’orientation sexuelle participe de l’identité, elles présente un caractère individuel. Sans vouloir chicaner, l’emploi du terme « responsabilité » peut laisser accroire qu’il s’agit de « répondre » de quelque chose. Ecartons la « faute » (dont on doit répondre en droit). Mais je en vois pas en quoi on devrait répondre de ce qu’on est.

    Mais avançons ; il pourrait s’agir de répondre des éventuels inconvénients qui résulteraient de la révélation de son identité. Mais en ce cas, la responsabilité porte sur la « révélation » elle-même. Et qui est le créancier de cette obligation de révélation à  laquelle on doit répondre ?

    Deux hypothèses :

    – les homosexuels (comme tu le notais justement, il ne viendrait à  aucun hétérosexuel l’idée de se prévaloir ou de masquer son orientation) ; ie la communauté homosexuelle. L’idée étant que les personnalités, à  raison du statut qu’ils ont au sein de la colectivité, feront bénéficier la communauté des bénéfices de cette révélation (tolérance ?).

    – La communauté en général (en France, la « communauté nationale »). L’idée étant que la communauté retirera du comportement qu’elle adoptera un bénéfice moral.

    J’ai deux arguments à  opposer à  cela.

    – 1 – Concernant la communauté homosexuelle créancière. Assurément, la communauté homosexuelle constitue une réalité sociologique , sinon politique. Mais elle ne procède pas de la collection d‘adhésions individuelles, comme le veut le modèle politique républicain, en France ou aux Etats-Unis par exemple. Autrement dit, on appartient à  la communauté homosexuelle parce qu’on est homosexuel, non pas parce qu’on a choisi de s’investir dans la constitution de cette communauté. Il me semble que c’est faire assez peu de cas, précisément, de ce que l’orientation sexuelle est un élément de l’identité, qui détermine l’individu. Parce que je suis homosexuel, je suis débiteur à  l’endroit des autres homosexuels : l’intensité de cette dette résultant de mon statut au sein de la collectivité.

    Je vais prendre une illustration un peu simplificatrice, mais dont on a pu entendre les echos, je crois, dans les années 50 et 60. C’est tout comme si l’on sommait un juif, parce qu’il est juif, de souscrire au projet sioniste. Et avant que l’on me fonde dessus, je précise que j’ai le net sentiment d’employer cette illustration de façon brutale et sans nuance.

    – 2 – Vis à  vis de l’élévation morale de la communauté nationale : une telle analyse (mais elle n’est pas tienne, je crois) me gène ; parce qu’elle aboutit finalement à  faire peser sur l’individu le poids des préjugés de la collectivité.

    Autrement dit ; l’individu est rendu responsable (débiteur) du trouble qu’il subit du fait des préjugés de la communauté. Il y a, dans l’ouvrage de Borillo que je te citais précédemment, la référence à  la remarquable décision d’un juge américain en matière de séropositivité. L’idée est la suivante. Une école ne peut licencier l’un de ses professeurs séropositifs lorsque les parents retirent leurs enfants de l’école, car cela conduit à  faire peser sur l’individu le poids des préjugés et de fantames qu’il appartient précisément à  la communauté de combattre.

    PS : tu peux continuer également le débat sur mon billet (ma réponse à  tes propos est demeure en suspend, sans commentaire de ta part 😉 – accord ou désaccord)

    PPS : A force de croiser, on pourrait envisager un billet sur Lieu-commun.org

    PPPS : pardon de la longueur du commentaire ; mais je ne vais pas multiplier les trackbacks 😉

  3. 17 avril 2006

    Je ne veux pas répondre pour François Brutsch qui est en vacances, mais je crois que sur ces questions, nos pensées sont assez proches. La notion de débiteur me semble hors sujet. C’est plutôt une question de solidarité. Il n’y a pas de responsabilité vis-à -vis d’une communauté homosexuelle, dont on n’a pas choisi de faire partie. On se sent solidaire de chaque individu homosexuel par identification: on voudrait faire diminuer les préjugés non pas à  l’égard de la communauté homosexuelle mais à  l’égard des individus. A ce stade-là , il n’y a pas de projet collectif, donc l’exemple sioniste n’est pas pertinent. Par ailleurs, dire qu’un individu mieux placé que d’autres dans la société peut contribuer à  faire diminuer des préjugés, ne veut aucunement dire qu’il est responsable de l’existence de ces préjugés – où est le lien logique?

  4. Sans vouloir ergoter, il me semble que la notion de « débiteur » est appelée par l’emploi des termes « responsabilité » (François Brutsch). àŠtre responsable signifie en effet que l’on « répond » d’une dette, de l’exécution d’un devoir (d’autrui ou de soi-même). àŠtre responsable signifie que bien que l’on est débiteur – ce que nos Elites semblent parfois oublier, je le condède.

    Et même celui que, Guillaume Barry, employez de « solidarité« . La solidarité signifie, en droit, que l’on répond pour autrui (et pour la totalité de la dette). L’usage du terme dans le langage courant, même affadi, ne s’oppose pas à  cette analyse.

    On se sent solidaire, dites-vous, par identification. Je le conçois volontiers. Mais, alors, d’où procède la « solidarité » de celui qui ne s’identifie pas.

    Enfin, j’ai l’expression peu claire, j’en conviens. Mais il ne me semble aucunement avoir exposé que l’individu était responsable des préjugés de la communauté ; c’est tout le contraire. Mon propos visait à  souligner que parler de « responsabilité » de l’individu (à  l’égard de qui ?) en la matière peut signifier que l’on fait peser sur lui le poids des préjugés collectifs, ce que je juge avec méfiance.

  5. Je retombe sur ce débat de retour de vacances… Pour faire court, et au risque de décevoir Jules, je n’envisageais qu’un sens moral, et non juridique, à  responsabilité (que j’ai préféré à  « devoir »); il en irait de même pour solidarité. Elle est l’autre face de la liberté, car l’homme est un animal social et non une collection d’individus isolés (Elisabeth de Fontenay a écrit une fois quelque chose dont le sens était « le propre de l’homme, c’est la responsabilité »). Si la liberté de dissimuler, voire de mentir, existe, à  mon sens l’homme public (des deux genres) est placé ipso facto devant une obligation d’exemplarité, ce d’autant justement que les « inconvénients » éventuels évoqués par Jules n’existent pas pour eux. Je ne demande pas des martyrs, seulement des « role models » qui s’assument.

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