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Tariq Ramadan: attendre encore un peu pour hurler avec les loups

Dans la série: Barry, avocat du diable.

J’ai vu samedi la rediffusion sur TV5 du fameux « 100 minutes pour convaincre » avec Nicolas Sarkozy . C’est essentiellement la séquence avec Tariq Ramadan qui me tenait à coeur. Le lendemain de la confrontation diffusée en direct jeudi, la Tribune de Genève avait rendu son verdict : l’intellectuel musulman genevois s’était fait « moucher » par le numéro 2 du gouvernement, ministre de l’Intérieur et des Cultes.

Que ce soit clair. J’ai été confronté au personnage (je parle du Genevois) lors d’un plateau de télévision autour du thème « les religions et l’homosexualité ». Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a pas tourné autour du pot, qu’il n’a pas cherché à enjoliver la position du Coran en la matière. Mais dialogue il y avait – du moins dialogue il aurait pu y avoir, s’il n’avait pas fallu subir la condescendance autosatisfaite d’un rabbin et les circonvolutions d’un jésuite.

Il n’empêche. Même pour des ennemis, je réclame la présomption d’innocence. Or j’ai l’impression qu’en France, Ramadan a déjà été jugé. Tout ce qu’il dit se retourne contre lui. Mais la belle unanimité à le condamner et à chercher à l’enfoncer n’a pas valeur de preuve. J’ai envie de le croire sincère, quand il distingue entre ses positions propres qu’il considère être progressistes mais très peu représentatives et l’opinion du reste du monde musulman. J’ai envie de le croire quand il professe une ambition pédagogique, qui explique qu’il ne peut heurter de front la majorité des musulmans qui n’est pas progressiste. Cette ambition pédagogique, si j’ai bien compris, c’est de donner aux Musulmans de France la confiance en eux, la connaissance de leur tradition, mais aussi les moyens pour s’intégrer dans une société fondamentalement laïque, intégration jugée indispensable. Pour autant que je ne sois pas abusé par la propagande, l’influence de Ramadan superéducateur de rue sur les jeunes des banlieues ne serait pas obligatoirement dénuée de toute pertinence. Donc pour ne pas braquer tous ces gens à éduquer, pour ne pas se les aliéner, Tariq Ramadan reconnaît qu’il ne peut leur imposer ses idées les plus progressistes.

C’est une attitude vieille comme le monde. On la trouve dans d’autres religions, et dans les partis politiques. Du genre: « On ne va pas dire aux paroissiens que les récits de la nativité tiennent du mythe, ça les empêcherait de se concentrer sur l’essentiel du message. » La version communiste ayant été: « Ne rien dire de ce qui se passe réellement en Union soviétique pour ne pas désespérer Billancourt. » Cette stratégie discursive me révulse, mais, dès lors qu’elle est assumée, elle n’entre pas dans la même catégorie que le double langage ou les intentions cachées qu’on prête à Ramadan – des accusations dont Nicolas s’est complu à se faire le relais.

Je suis bien conscient qu’il y a eu des révélations de tels ou tels services secrets selon lesquels Tariq Ramadan aurait eu des contact avec des terroristes. Mais si c’était vrai, je veux croire que s’en seraient déjà émues les autorités genevoises qui l’emploient comme professeur de philosophie dans un lycée – ces autorités qui n’ont pas hésité à licencier l’enseignant Hani Ramadan, frère terrible et collègue de Tariq, pour ses propos « Mondains » sur la lapidation ainsi que pour ses fonctions religieuses incompatibles avec le statut d’enseignant.

C’était la rubrique de l’avocat du diable, lequel diable, en l’occurrence, peut être tellement mignon et de ce fait désarmant – mais n’est-ce pas la moindre des choses pour un diable?

COMPLEMENT de 10h30: Est-il besoin de le préciser: en raison de sa lecture stricte du Coran en matière d’homosexualité, Tariq Ramadan peut me faire craindre le pire pour l’évolution des mentalités dans les banlieues. (Mais on ne doit pas désespérer d’un professeur de philosophie, censé avoir pratiqué le Banquet de Platon.)

Autre fait troublant: la mise en évidence d’un prétendu communautarisme juif comme point commun de certains (rares) intellectuels qui ont eu le courage de dénoncer la condamnation de la guerre en Irak. (Lire ici ce qu’en disait François Brutsch.) Antisémitisme ou pas, l’intellectuel musulman n’a rien fait d’autre que de jouer à « c’est celui qui l’a dit qui l’est » – en l’occurrence c’est lui le communautariste « qui pense avec sa race et pas avec sa tête », selon la remarque aussi cinglante qu’impitoyable de Nicolas Sarkozy.