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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Confessions d’un métroconservateur

Grâce à Gene Expression, je tombe sur ces confessions d’un conservateur métropolitain à l’effet très stimulant pour l’intellect, ce qui est bienvenu en ce début d’année. Certes, l’article en question remonte au 8 mai 2003 et ce qu’il dit n’est probablement pas nouveau – mais, c’est justement ce qu’on ne va pas reprocher à un conservateur. Un conservateur qui s’assume et se revendique pleinement comme tel. Et c’est précisément à propos de l’appartenance à un camp idéologique que cet article déploie des effets autant éclairants qu’interrogateurs.

Donc, John Derbyshire, de la National Review, se revendique comme un conservateur et milite dans ce sens, notamment à travers ses articles dans la NR. Lors d’un dîner mondain, une dame de Virginie le pousse à bout et atteint son but: le prendre en flagrant délit de modération tiède sur la question des lois antisodomie: il n’est qu’un « milk and water conservative« . En effet, s’il considère que les citoyens d’un Etat doivent avoir le droit de se donner des lois antisodomie, lui-même ne souscrirait pas à de telles lois (alors qu’il ne rate aucune occasion de faire savoir que son jugement sur l’homosexualité est globalement négatif).

Cette situation l’amène à s’interroger sur le fait que lui (et tous les gens de la fièrement conservatrice National Review) sont à la gauche de la majorité des Américains en matière de ces points qui semblent devenus déterminants, à savoir l’homosexualité (selon un sondage, 43 % voudraient qu’elle soit illégale) et de créationnisme (48 % y croiraient).

Cette interrogation se résout dans l’opposition millénaire ‘capitale vs province’. Dans un premier temps, il avoue se sentir plus à l’aise en milieu urbain, quelles que soient les positions idéologiques. Dans un deuxième temps, il réussit à formuler sa solidarité et sa sympathie avec les provinciaux conservateurs – ce sont quand même eux qui sauveront le pays du péril liberal au sens anglosaxon du terme. Ouf. Son identité et sa loyauté conservatrices sont intactes.

L’immense intérêt de cet article réside dans dans la lucidité du chroniqueur, sa capacité à se mettre en perspective. Le sommet est atteint quand il établit l’équivalence suivante:

« Nous, les conservateurs, nous nous plaisons à railler les gens de gauche pour la fixation qu’ils font sur le ‘bon sauvage’ – pour l’oeil embué et les airs paternalistes qu’ils prennent à la pensée des pauvres victimes démunies du capitalisme, du racisme, du colonialisme, etc. etc. Eh bien, je crois que je peux distinguer quelques traits de condescendance similaires dans ma propre perspective. Ce que le travailleur héroïque a été pour le marxiste de la vieille école, ce que les souffrances des Noirs ont été pour les militants des Droits civiques, ce que la femme au foyer non accomplie est pour Hillary Clinton, le paysan vietnamien pour Jane Fonda, l’émeutier palestinien pour Edward Said – l’archéo-conservateur avec sa Bible à la main, son rifle à l’affût et ses lois antisodomie l’est pour moi. Il est d’un authentique comme moi je ne le suis pas. »

Je ne suis toujours pas conservateur, malgré quelques états d’âme – sur lesquels je me ferai un plaisir de revenir à l’occasion – mais: je suis toujours fasciné quand qui que ce soit qui a de fortes convictions se met en perspective, s’attribue les travers qu’il voit et dénonce chez l’ennemi. Ce qui m’interroge, c’est que cet exercice ne le fait nullement flancher ni dévier de sa sa ligne. Seulement mieux comprendre et définir les rapports qu’il entretient avec sa famille de pensée – les cousins de la province – et sa métropolitaine de famille sociologique. Mon voeu pour 2004 est que ce qu’on lira et écrira sur nos blogs continuera d’être avant tout un stimulant pour la pensée.