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Entropie juridique: après les naturalisations, les requérants déboutés

Au fond, c’était prévisible dès l’arrêt du Tribunal fédéral assimilant le vote discrétionnaire d’une autorité politique en vue d’accorder ou non la nationalité suisse à un étranger qui la sollicite à une décision administrative telle que le permis de conduire (voir ici et mon premier billet sur le sujet ici); c’est maintenant le renvoi des requérants à qui, au terme de la procédure en la matière (par une décision motivée et après épuisement des voies de recours), un délai est imparti pour quitter la Suisse où ils n’étaient autorisés à demeurer qu’en raison du dépôt de leur demande d’asile et le temps que celle-ci soit examinée, qui serait une décision administrative, et nécessiterait en conséquence d’être motivée et d’ouvrir une voie de recours.

J’ai beaucoup de respect pour Pierre Moor, professeur de droit dont j’ai été l’assistant, qui a rendu un avis dans ce sens à la demande d’un Service d’assistance juridique aux exilés et de la branche vaudoise des Juristes progressistes. Mais l’argument repris dans Le Temps d’hier (accès payant) est pour le moins paradoxal et à double tranchant: il se fonde sur le fait que dans certains cas, pour des raisons humanitaires, certains de ces requérants déboutés ont pu malgré tout rester en Suisse, sur la base d’une décision qui est elle motivée (reste à savoir qui est susceptible de recourir contre une telle décision, mais la question n’est évidemment pas là).

Jusqu’à présent, on a toujours considéré qu’après l’acte juridique (le refus de l’asile), il n’y avait que des actes matériels d’exécution de cette décision (le départ de Suisse). Alors que l’octroi exceptionnel d’un titre de séjour n’est, lui, pas la suite du refus de l’asile mais bien un acte juridique originaire. Sinon, c’est le mouvement perpétuel: et l’idée paraît bien être d’encombrer les autorités administratives et de recours de manière à faire durer encore plus la procédure et pouvoir ainsi motiver une demande d’octroi exceptionnel…

Il y a autant de perversité d’un côté que de l’autre à vouloir tout juridiciser, et s’y dissout autant le sens des responsabilités (accompagner les conséquences de la décision négative, plutôt qu’entretenir pour la famille étrangère qui en est la destinataire un espoir désespéré qui satisfait certes l’ego de ceux qui proclament leur soutien — mais eux n’ont rien à redouter pour eux-mêmes) que le sens de l’humanité (mis en circulaire administrative). Car le raisonnement invoqué pour bloquer les renvois en cours ne peut que donner du vent dans les voiles à ceux qui pensent que le mieux c’est de ne faire aucune exception, après refus de l’asile politique à qui n’en remplit pas les conditions.