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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Repos

En ce jour de TGRM (très grande récréation mondiale), je célèbre deux cultes dans ma paroisse en tant que prédicateur laïc. A la veille d’un départ en vacances chez les Ch’tis (une destination choisie avant d’avoir connaissance du film), et après des semaines bien remplies, j’ai choisi de méditer sur le thème du repos, histoire de me prêcher aussi à  moi-même. Pour ce faire, j’ai proposé en alternance la lecture de quatre textes bibliques et les réflexions qu’ils m’ont inspirées.

Livre de la Genèse, chapitre 2, versets 2 et 3

Au septième jour, Dieu acheva l’œuvre qu’il avait faite.
Au septième jour, Il arrêta l’œuvre qu’il avait faite.
Dieu bénit le septième jour et le mit à  part
car ce jour-là  Dieu avait arrêté toute l’œuvre qu’il avait créée par son action.

Dans la Traduction des Ecrivains, que j’ai retenue pour toutes lectures de ce jour (et dans la TOB), on ne parle pas de « repos », mais d’un « arrêt de l’activité de Dieu ».

Mais ailleurs, on dit que Dieu s’est reposé. J’aime bien cet épisode parce que c’est un des rares passages qui résistent à  une compréhension rationnelle ou morale ou spiritualisante. Que signifie, pour, Dieu, de s’arrêter? Que signifie, pour Dieu, la fatigue incluse dans la notion de repos? Voici quelques pistes.

L’arrêt d’une action implique action — donc pour l’auteur de la Genèse, la création est le résultat d’une action. Ce n’est pas une vérité de Lapalisse. Vous savez bien qu’il n’y a pas qu’une manière d’envisager le monde, le temps, l’espace. Il y a par exemple la vision de la philosophie grecque, en particulier celle d’Aristote, qui s’est imposée comme la plus rationnelle dans l’Antiquité et bien après. C’est l’idée selon laquelle le monde éternel, est éternel, et qu’il est organisé en des cercles concentriques, avec Dieu au centre. Les sphères se meuvent autour de Dieu, sous l’effet de l’attirance, sous l’effet de l’amour pour Dieu. Dieu est le moteur immobile du monde.

Tandis que dans la Bible, on envisage plutôt une création dans le temps à  moins que ce ne soit une création du temps…

Il y a un avant et un après. Avant il y avait Dieu et rien d’autre. Enfin, pas tout à  fait rien. Avant il y avait le chaos, le tohu bohu, et Dieu y a mis bon ordre. C’est la conception qui a prévalu dans le monde chrétien, c’est l’idée de la création ex nihilo rien qui a prévalu. Evolution de cette conception s’est développé en parallèle avec la doctrine de la création continue, et la doctrine d’un Dieu qui ne cesse préserver sa création, de maintenir sa création, de la protéger contre les forces du chaos qui sont une menace permanente.

Dieu « ne fait pas rien le 7ème jour »: Dieu bénit le 7ème jour; et il le met à  part = le sanctifia.

Or mettre à  part, séparer, c’est exactement ce que Dieu a fait les premiers jours. Les premiers jours, Dieu a séparé les éléments pour créer, pour aménager un espace vital, un habitat pour les êtres vivants. Il a séparé le jour et la nuit, il a séparé le ciel de la terre, il a séparé la mer de la terre. Donc, le 7ème jour, en mettant à  part ce jour, en faisant acte de séparation, il continue de procéder selon sa méthode faire fait à  nouveau oeuvre de créateur. Il aménage un temps sacré, un temps pour le repos.

Et ce temps du repos de Dieu sera mis à  la disposition de l’être humain. L’être humain créée à  l’image de Dieu. L’être humain qui a aussi un rôle, un statut, une vocation de créateur. Le repos de Gn2 rappelle la vocation de l’être humain. Ce n’est pas l’interruption nécessaire pour la biologique des tâches, des corvées etc. Il n’y a pas besoin de révélation pour dire à  l’humain qu’il doit se reposer. Le septième jour de la création est un jour de rencontre, de communion entre Dieu et l’humain. Non seulement l’être humain est invité à  se rappeler qu’il est une créature, non seulement il est invité à  célébrer la création, mais il est invité à  se rappeler qu’il est co-créateur.

Le repos de Dieu ne pointe pas vers le néant et la mort, mais il célèbre au contraire l’œuvre de création, qui transcende l’activité et l’activisme, l’œuvre de création qui est le propre de Dieu et de l’être humain.

Le 7ème jour où Dieu ne fait rien d’autre est plus important que les 6 jours de création réunis. Est-ce que cela veut dire que le 7ème jour contient, récapitule les six premiers jours? Ce serait plus juste de dire que le 7ème jour est une commémoration, est une fête de la création. En fait c’est plus subtil. Le 7ème jour ne commémore pas la création. Il commémore le fait que la création est parfaite: la création est parfaite parce qu’elle est achevée – puisque Dieu a arrêté son œuvre. Mais cette perfection n’est pas la perfection grecque. La perfection de la création, c’est que Dieu lui a donné tout ce qu’il faut pour exister, se développer, se perpétuer. En ce qui concerne l’être humain, sa perfection, c’est sa liberté – c’est la possibilité de ne pas être parfait.

Ecoutons maintenant comment ce septième jour a été institué en shabbat dans le décalogue

Livre de l’Exode chapître 20, versets 1 et 8 à  9

(…) Je suis YHWH ton Dieu, qui t’a fait sortir du pays d’Egypte, de la maison des asservis!
(…)
Souviens-toi du jour du shabbat et qu’il soit saint:
six jours tu serviras et tu feras tout ton travail, mais, le septième jour, shabbat pour YHWH, ton Dieu!

Tu ne feras aucun travail, ni toi, ni ton fils ou ta fille, ton asservi, ton asservie, tes bêtes, ni l’étranger à  l’intérieur de tes portes.

Parce qu’en six jours, YHWH a fait les cieux et la terre, la mer et tout ce qui est en eux, et qu’au septième jour il s’est reposé.

C’est pour cela que YHWH a béni le jour du shabbat, qu’il l’a rendu saint.

Le Décalogue apparaît deux fois dans l’AT, une fois dans l’Exode, et une autre fois dans le Deutéronome où il est repris – nous l’entendrons tout à  l’heure. Le septième jour, c’est le sabbat du Seigneur, le sabbat de Yahwé. « Shabbat », en hébreu veut dire le fait d’arrêter, la cessation, et aussi le repos. Ce repos n’est pas motivé par des considérations syndicales, malgré toute l’énumération.

A première vue, cette présentation du sabbat est moins attirante, moins poétique, moins profonde que dans la Genèse. C’est une obligation rituelle, sans considération pour l’humain, il faut obéir à  Dieu, c’est comme ça.

Sauf que tout est dans l’identité de ce Dieu à  qui il faut obéir.

Je suis YHWH ton Dieu, qui t’a fait sortir du pays d’Egypte, de la maison des asservis.

L’observation du shabbat est une marque d’appartenance à  un Dieu – mais, à  la différence des autres dieux (c’est ce que revendique toute la Bible) ce Dieu est le seul Dieu qui libère l’être humain. Et dans la reprise du Deutéronome, c’est dit encore plus explicitement

Livre du Deutéronome, chapitre 5, versets 6 et 12 à  15

Je suis, moi, YHWH ton Dieu qui t’a fait sortir du bagne où tu croupissais en Egypte.
(…)
Observe et sanctifie le jour du shabbat, comme te l’a ordonné ton Dieu.

Six jours durant tu travailleras et vaqueras à  tes occupations, et, le septième, c’est shabbat pour YHWH ton Dieu: ni toi, ni ton fils ou ta fille, ton serviteur, ta servante, ton bœuf, ton âne ou toute autre de tes bêtes, ni l’immigré non plus séjournant dans tes murs, aucun d’entre vous ne se livrera à  quelque activité que ce soit.

Ainsi, comme toi, pourront se reposer ton serviteur et ta servante.

Tu te rappelleras que tu as été esclave en terre d’Egypte et que YHWH ton Dieu, main de fer et bras foudroyant, t’en a fait sortir.
C’est pourquoi YHWH ton Dieu t’a ordonné de respecter ce jour du shabbat.

Non seulement, Dieu dit en introduction à  cette reprise des dix paroles, des dix commandements,

Je suis, moi, Yhwh ton Dieu qui t’a fait sortir d’Egypte,

mais après avoir rappelé le 4ème commandement, il dit

Tu te rappelleras que tu as été sur la terre d’Egypte et que Yhwh ton Dieu, main de fer et bras foudroyant, t’en a fait sortir.
C’est pourquoi Yhwh ton Dieu t’a ordonné de respecter le jour du sabbat.…

Dans le Deutéronome, la perspective du Dieu créateur disparaît au profit du Dieu libérateur. Le 7ème jour devient devient une commémoration, non pas de la création, mais de la libération.

L’observation du sabbat, c’est un marqueur de l’identité d’israël. Quelle est l’identité constitutive d’Isräel, dans la Bible? C’est l’identité d’un non-héros, c’est d’être peuple qui a été libéré de la servitude. C’est un peuple qui est passé de la non existence à  la vie. Or, en le libérant, en lui donnant une identité, Dieu a créé ce peuple, Dieu a fait œuvre de création? Finalement, le sabbat envisagé par le Deutéronome, renvoie lui aussi implicitement au Dieu créateur.

Et pour les chrétiens, qu’en est-il?

L’identité chrétienne, au départ elle se cristallise dans le fait d’être – humblement – un rassemblement de personnes qui ont été mises au bénéfice d’une libération. Pour les chrétiens, le jour emblématique de cette libération, c’est le 1er jour de la semaine. Dans les Actes des apôtres, on dit que les chrétiens se réunissaient le 1er jour de la semaine pour rompre le pain, c’est-à -dire la mort et la résurrection du Christ.

Mais c’est seulement en 321 que l’empereur Constantin impose le 1er jour de la semaine juive comme jour de repos pour l’empire chrétien. Et ceux qui ne s’y plient pas seront persécutés. Ce n’est un exemple de plus du devenir religieux: l’annonce de la libération dérive en une religion de domination. Mais le sabbat est vraiment emblématique de la distorsion religieuse. Dans les évangiles, les conflits entre Jésus et les autorités religieuses juives se nouent autour de la question du sabbat. A-t-on le droit de guérir le jour du sabbat? A-t-on le droit de faire du bien le jour du sabbat? Le sabbat a -t-il été fait pour l’homme ou est-ce le contraire? Jésus a signé son arrêt de mort en guérissant ou en ressuscitant un jour de sabbat.

Avec Jésus, le sabbat a pris encore une autre signification bouleversante:

le samedi saint, c’est le temps pendant lequel le Christ s’est trouvé dans la mort
le temps pendant lequel le ciel a retenu son souffle
le samedi saint, correspond bien au repos, c’est le repos absolu
la suite montrera que
seule la tendresse du Père n’est pas en repos
seule la tendresse des quelques femmes disciples qui n’ont pas fui est mobilisée.

Que faut-il donc conclure de ce passage du samedi au dimanche dans la chrétienté?

Le samedi saint c’est repos absolu, c’est l’immobilité de la mort. Le premier jour, c’était le premier jour de la création, c’est devenu le jour de la résurrection, le premier jour de la nouvelle création. C’est l’entrée dans les temps nouveaux annoncés par les prophètes et par Jésus lui-même. Il reste des bémols: le passage du sabbat au dimanche a été lié à  la volonté de se distancer des juifs, dans le contexte d’une religion d’Etat, d’une religion d’Empire. On christianisé un jour du calendrier païen: le jour du soleil est devenu le jour du Seigneur comme le jour du Soleil invaincu, le 25 décembre, est devenu le jour de la nativité. Même les protestants, en certains temps, en certains lieux (je pense à  des ancêtres à  moi en Ecosse) ont versé dans le légalisme sabbatique.

Chers amis, nous avons entr’aperçu les variations que peut connaître le repos quand il mis en rapport avec Dieu, pour le meilleur et pour le pire.

Nous avons vu que le repos du septième jour, ce peut être
– le repos qui célèbre la création divine et humaine
– le repos qui commémore la libération du peuple de Dieu de la première et de la seconde alliance
– le repos pris en otage par le légalisme et l’impérialisme politico-religieux
– le repos de la mort, sommeil veillé par la tendresse

Jésus lui-même a aussi parlé du repos.

Evangile selon Matthieu chapitre 11, versets 28 à  30

Venez à  moi, vous qui êtes inquiets et accablés. Je vous ferai trouver le repos. Portez mon joug, faites vôtres mes enseignements. Mon cœur est doux, il se plaît avec les petits. « Vous connaîtrez le repos. » Car mon joug est agréable et léger mon fardeau.

Un repos bienfaisant pour l’esprit, un repos ré-créateur.
Un repos libérateur, mais pas démobilisateur, au contraire.
Un repos paradoxal: on trouve le repos, en agissant, c’est-à -dire mettant en pratique les enseignements de Jésus

En fait Jésus nous dit que les lois, les règles, les principes que nous nous imposons comme une religion sont fatigants, aliénants, asservissants…

Chers amis, ce que je vous souhaite, ce que je nous souhaite, c’est que, au cours de cette semaine, au cours de cet été, il nous soit donné de nous imprégner un peu plus de ces lois paradoxales qui s’appliquent au repos divin, et cette découverte, cette redécouverte nous libère de la recherche épuisante du repos. Amen

Un commentaire

  1. Le passant ordinaire
    1 juillet 2008

    Si j’étais membre de la secte des talibans d’Ecône je conclurais en prononçant : « Ite missa est »

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