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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Noël est la mère des coming-out

Diana Ross: I'm coming outVoici un message qui a été donné lors de la fête de Noël du groupe des gais chrétiens de Genève.

Chers amis, vous savez que je n’intègre pas souvent le côté homo dans mes prédications. Que dans le dossier sur l’Eglise et les homosexuels de la VP Ge[1] auquel j’ai contribué, il a été souligné que je ne faisais pas de militance en paroisse. Mon idéal reste l’intégration banale des gais et des lesbiennes dans un lieu d’Eglise. Mais je me suis dit que je pourrais quand même une fois parler de Noël d’un point de vue gai.

Dans les deux dernières retraites de notre groupe, nous avons eu affaire à  la théologie queer. A Bose, en 2005, j’ai retenu de la présentation qu’on nous a faite que la théologie queer était née d’une approche transgressive, de mise en question des normes établies, des schémas de pensées, des rôles masculins/féminins. C’était les années 70…

Lors de la retraite de 2006, nous avons travaillé le récit de la résurrection de Lazare. A la fin, on a aussi fait une petite incursion dans l’approche queer, qui lisait dans la résurrection de Lazare comme un coming-out. Au sens littéral: Lazare sort du tombeau comme on sort d’un placard. Mais il y avait un sens plus profond: Lazare sort de la mort… Or les placards dans lesquels nous sommes enfermés sont aussi la mort. Ne pas être soi-même, cacher une partie de sa vie qui n’est pas honteuse, qui n’est pas criminelle, c’est une forme de mort — même partielle. Donc je me suis dit après coup[2], oui, une lecture queer de la Bible peut avoir sa pertinence. Et puis son effet absurde, c’est bien une forme de l’humour gai. On réagit par l’absurde, par l’extrême, à  une situation absurde: la mise au placard par soi-même.

A l’époque, j’ai lu une ou deux choses sur la théologie queer. Et j’ai vu qu’on pouvait appliquer le schéma du coming-out à  d’autres thèmes. Comme Noël. J’ai même lu qu’on pouvait dire qu’à  Noël, le Fils de Dieu faisait son coming-out, puisqu’il sortait du ciel. J’ai trouvé tellement hénaurme que… j’ai été partagé entre la consternation et la fascination. Je n’ai pas lu l’article plus loin. Mais ça m’a travaillé et pour finir, j’ai eu envie de me livrer à  une petite expérience de pensée, histoire de voir par moi-même si et comment on pouvait parler de coming-out à  Noël. Et voilà  le résultat:

Notes

[1] La Vie protestante Genève, mensuel protestant

[2] Ce billet témoigne de l’évolution de ma pensée

D’une certaine manière, on peut dire que Dieu est enfermé dans le ciel. Mais c’est nous qui l’enfermons. C’est nous qui disons, Dieu est comme ci comme ça, ce sont nos préjugés, nos attentes sur ce qu’il devrait être.

Et Dieu en souffre.

Il ne peut pas être lui-même: c’est-à -dire amour, amour pour les humains, amour qui circule entre les humains.

Et puis finalement il se montre tel qu’il est. Noël, c’est le début de cette histoire de la sortie du placard céleste. Car il va bel et bien se donner à  voir — comme le diront l’Evangile et la première Epitre de Jean

Qu’est-ce qu’il y aura à  voir? Un être humain! A Noël, c’est un bébé. Mais ce qu’il y aura à  voir, finalement, ce seront des actes, des gestes, des attitudes qui accompagneront, qui confirmeront des paroles. Voilà  ce qui sort du placard du surnaturel et de la toute-puissance fantasmée. Et l’opération est réussie, puisque des humains ont vu que toutes les splendeurs que la pensée religieuse attribue au ciel pouvaient être contemplées dans cet être de chair et d’os. Non pas à  travers des qualités physiques particulières (encore qu’on n’en sait rien) – mais à  travers ses faits et gestes ainsi que ses paroles.

Finalement, une lecture queer de Noël n’est pas tirée par les cheveux. Nous, les z’homos, nous avons une chance: nous sommes en situation d’occuper un point de vue différent, qui nous donne une compréhension intime de ce parcours divin. On pourrait écrire une nouvelle béatitude. Vous connaissez le principe des béatitudes. Par exemple Heureux les pauvres – qui, à  l’origine, n’avait pas été atténué en Heureux les pauvres en esprit – veut dire que si on est pauvre, matériellement pauvre, on comprend ce que c’est que dépendre, être dans le besoin et que, par conséquent, on est le mieux placé pour comprendre l’attitude par rapport à  Dieu. Si on n’est pas pauvre, on ne peut pas goûter pleinement à  la générosité de Dieu.

Alors aujourd’hui on pourrait dire:

Heureux ceux qui sont dans un placard: ils goûteront la saveur de la vraie vie, de la vie authentique.

Car ils en connaissent le manque. Et, comme les pauvres de la béatitude originelle, ils sont en situation de recevoir Dieu, qui les entraînera avec lui dans sa dynamique de sortie du placard.

Dieu est celui que l’humanité veut enfermer dans le ciel, pour toutes sortes de raisons. A Noël, Il sort. Ce n’est pas au nom d’un égoïsme exhibitionniste qui dit je veux m’épanouir, je veux être moi mais c’est pour se montrer tel qu’il est. Que ce mouvement de la vie de Dieu à  Noël nous mette en mouvement toute l’année. Amen.