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Sheila, les mages et moi (Epiphanie + 1)

Comme les rois mages en Galilée / Suivaient des yeux l’étoile du berger
Je te suivrai, où tu iras j’irai / Fidèle comme une ombre, jusqu’à  destination

La chanson de Sheila (écouter un extrait en passant par ici) cumule inexactitudes bibliques, astronomiques et atteintes au féminisme, ce qui en 1971 était impardonnable. Mais son insouciance et son côté entraînant me la rendent toujours plus irrésistible avec le temps – pur effet de nostalgie que cette magie des images sonores exercée sans grands dommages par le ramage sur ces mages-là . Fin de l’hommage.

L’évangile de Matthieu ne dit pas que ce sont des rois (ni qu’ils étaient trois – là  ce sont des considérations prosodiques qui ont vraisemblablement empêché Sheila de fauter) et l’étoile n’est pas celle du berger (à  savoir la planète Vénus). Le terme ‘mages’ désigne probablement des prêtres zoroastriens iraniens ou des astronomes-astrologues babyloniens, et l’interprétation la plus immédiate est que, pour l’Evangile, ils ont repéré l’apparition d’un astre nouveau, spécifique, dont ils comprennent qu’il est l’astre d’un nouveau roi des Juifs. Pour le texte, on n’a pas affaire à  une pure configuration astrologique hypersignifiante (comme la conjonction de Jupiter et Saturne), sans création d’un nouveau corps céleste. Mais l’auteur de cet Evangile en bon juif, devait plutôt réprouver l’astrologie et ne pas trop la connaître, et il n’est pas étonnant qu’il ne donne pas de détails.

En tout cas, il évoque un astre qui se déplace jusqu’à  l’endroit où se trouve l’enfant Jésus. Or, dans la pensée de l’Ancien Testament, les corps célestes sont des serviteurs, tout comme les anges, et l’étoile de la nativité revêt bien cette fonction. De toute façon, les récits relatifs à  la naissance de Jésus sont les plus tardifs, et s’apparentent plutôt à  la légende, ce qui ne les prive pas de sens théologique (et, pour moi, de vérité), bien au contraire.

Comme nos mages ne sont pas forcément des rois, on ne peut pas les récupérer pour dire qu’avec eux, l’autre extrémité de l’échelle sociale (par rapport aux bergers) rend hommage au roi divin nouveau-né. Le seul roi historiquement connu dont il soit question, c’est Hérode qui cherche à  faire mourir celui qu’il prend pour un rival. Le récit est d’une grande ironie: ce sont des « théologiens païens » qui informent le roi (temporel) des Juifs de la naissance du Messie, à  savoir le roi définitif des Juifs qu’il aurait dû anticiper par la connaissance normale des Ecritures.

De prime abord, le récit n’est pas politiquement correct, se situant aux antipodes du multiculturalisme: des religieux non-juifs sont pris par la main (par messager céleste interposé) pour venir prêter allégeance à  Jésus en tant qu’il est le roi des Juifs. Sauf que, ce sera justement le pouvoir religieux aliénant de sa propre religion (couplé ou non au pouvoir temporel) que Jésus va amener à  se démasquer (à  la suite des prophètes, et comme le feront Paul, Luther, Barth… on connaît ma chanson). Face à  Jésus, la religion se montre sous son vrai jour: haine de Dieu, volonté de tout contrôler. Les fondements du pluralisme moderne sont donc loin d’être compromis par celui qu’ont adoré les mages. Il en a résulté une civilisation qui a donné Sheila et sa pensée alternative concernant la navigation fondée sur l’observation de la position solaire – une méthode qui a permis de découvrir le Nouveau Monde:

Comme Christophe Colomb et ses trois caravelles
Ont suivi le soleil avec obstination

A noter que dans la même chanson, Sheila, probablement manipulée par une CIA efficace à  l’époque, osait une comparaison qui mettait sur le même pied un pays devenu aujourd’hui l’incarnation du Mal et les plus hautes réalités spirituelles:

Mon Amérique, ma lumière biblique
Ma vérité cosmique, c’est de vivre avec toi

3 commentaires

  1. 8 janvier 2006

    Il y a un magnifique texte de Julos Beaucarne qu je n’ai malheureusement pas retrouvé et qui dit en substance « Apporter de la myrrhe, de l’or, de l’encens, quel intérêt pour un enfant naissant ? »

  2. 8 janvier 2006

    Julos Beaucarne, c’est quand même davantage mon style que celui de Guillaume… Mais je ne connaissais pas celle-là ! Est-ce ce Le petit Jésus, de 1977?

  3. 9 janvier 2006

    Avec un peu de mauvaise foi (de ma part), la question de l’intérêt des cadeaux des mages me fait penser à  l’indignation de Judas (trésorier de la bande à  Jésus) devant le parfum gaspillé par une femme (Marie Madeleine?) sur les pieds de Jésus (« On aurait pu donner l’argent aux pauvres.)

    Plus sérieusement: ces cadeaux qui renvoient à  des accessoires cultuels servent bien sûr à  montrer que les destinateurs reconnaissent avoir affaire à  un enfant pas comme les autres, qu’on est dans l’ordre du divin. Mais, sans aller jusqu’au divin, ce serait intéressant de savoir ce que reçoivent les nouveaux-nés des familles royales contemporaines. Des choses utiles ou inutiles ou utiles plus tard?

    Autre réflexion que me suscite la question beaucarnienne: le monde d’aujourd’hui, devenu si sévère à  l’encontre du christianisme, n’a pas tant de problèmes avec le traitement réservé aux enfants considérés comme la réincarnation du dalaï-lama. Cela signifie pourtant la confiscation de son existence propre. Tandis que Jésus a assumé tout seul son identité messianique ou sa vocation, au grand dam de ses parents.

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