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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

La politique n’est pas une compétition

Via un ancien Best of the web today de James Taranto, je découvre un portrait de Markos Moulitsas (le blogueur derrière The Daily Kos), publié par le magazine Washington Monthly. Kos est probablement le plus gros, le plus connu et le plus influent blog (américain), une expression de la frange la plus passionnée de la base démocrate; lui et MoveOn.org ont fortement contribué, lors des primaires l’an dernier, à  l’émergence de Howard Dean et à  l’utilisation de l’Internet comme instrument de mobilisation.

Rédiger le paragraphe précédent de manière neutre et descriptive m’a donné du mal! Comme l’illustre admirablement l’article de Benjamin Wallace-Wells, Kos incarne tout ce que je déteste dans une certaine manière de concevoir la politique en général et la gauche en particulier: un combat de coqs, un affrontement avec le camp d’en face fondé sur une appartenance purement tribale, sans vrai contenu. Son autre passion est le sport, et comme l’écrit fort bien l’auteur, la différence c’est qu’en politique gagner n’est pas le but mais un moyen en vue du but, qui est de gouverner:

In sports, as Vince Lombardi is said to have put it, « Winning isn’t everything, it’s the only thing. » When the season is over, you hang up your cleats and wait for the next season. But in politics, that’s not the case–you have to govern, and if you don’t govern well, you won’t get reelected. So while tactics and message are crucial, most voters will ultimately demand from politicians ideas that give them a sense of what a party is going to do once in power. Wanting to win very badly is an admirable and necessary quality in politics, and Moulitsas is right that Democrats have needed it in greater quantity. But it is not really a political philosophy.

Un autre passage significatif est celui où Kos reconnaît que son blog, qui est ouvertement un instrument de propagande par lequel il tente avant tout d’influencer la direction du débat public, ne répercutait que les sondages favorables, ce qui est mobilisateur à  court terme, mais évidemment trompeur et générateur de frustration ultérieure (mais il s’en fout probablement, voire s’emploiera à  dévier cette énergie négative sur des thèmes comme « Bush a triché, Rove manipule l’opinion »).

Ce qui est inquiétant, c’est le cercle vicieux dans lequel le succès d’une telle approche entraîne les Démocrates s’ils ne parviennent pas à  y résister: une frange activiste se fait plaisir, rien n’est trop extrémiste pour la mobiliser; les élus en tiennent compte en mettant en avant ces causes qui génèrent les soutiens et les contributions financières… mais font fuir l’électorat de base et ne séduisent a fortiori nullement d’éventuels déçus des Républicains. Kos ne combat d’ailleurs pas seulement Bush, mais aussi les « clintoniens » du parti démocrate, rassemblés au sein du Democratic Leadership Council — dont la caractéristique essentielle n’est pas, comme le veut la caricature, de prôner n’importe quelle politique pourvu qu’elle soit populaire, mais, bien au contraire, de se passionner pour les policies: rechercher et promouvoir, de manière pragmatique, « ce qui marche » pour atteindre des objectifs politiques en matière d’éducation, de logement, de formation professionnelle, de sécurité sociale… Primary Colours (Couleurs primaires, en français), le roman à  clés du journaliste Joe Klein sur la campagne de Bill Clinton en 1992, rendait admirablement cette caractéristique qui est également à  la base de la Troisième Voie de Blair.

Ne s’intéressant ni aux idées ni aux résultats, Kos peut être aujourd’hui un Démocrate enragé après avoir été Républicain, ne voir dans la riposte au fondamentalisme islamiste et dans l’intervention en Irak que ce qui peut servir à  embarrasser Bush (en se moquant tant de la sécurité et des intérêts des Américains que du sort des Irakiens), ou à  la fois défendre un « droit » à  l’avortement tardif et prôner une tactique cynique faisant bon marché des convictions libérales en matière d’avortement pour gagner des sièges dans le sud, tout en combattant des élus démocrates comme le sénateur Joe Liebermann.

On touche aux limites de la démocratie, « le plus mauvais des systèmes à  l’exception de tous les autres » selon le mot de Churchill, surtout quand s’y ajoute l’inculture politique et historique (qu’on ne pouvait au moins reprocher à  François Mitterrand, autre incarnation de l’opportunisme électoral). La Suisse, dont le système politique est encore largement fondé sur la collaboration entre les pouvoirs et les partis, davantage que sur leur confrontation, subit aussi l’assaut des simplificateurs de droite et de gauche qui rêvent d’en découdre.

En même temps, la complexité croissante de la société moderne rend toujours plus perceptible le caractère inadéquat des affrontements simplistes gauche / droite, majorité / opposition, 51/49, et toujours plus souhaitables des « majorités d’idées » larges. A côté des tacticiens en chambre, on observe aussi une émergence des individus et des groupes qui s’engagent non pas contre, mais pour une cause qui leur tient à  coeur, et la prennent en main plutôt que de tout attendre de l’Etat. C’est dire qu’il n’y a pas lieu de se décourager: la politique est un perpétuel recommencement, ce blog pour sa part n’entend pas être une « noise machine » mais bien une contribution positive au débat.

2 commentaires

  1. 1 janvier 2006

    Allez, ce n’est pas pour être fayot mais … il continuera d’être ce qu’il est, donc.

    Les blogs n’étant que l’expression de la société, il ne peut qu’y avoir de tels cas. Mais il est clairement regrettable que ce soit le (ou l’un des) blog(s) le(s) plus influent(s)… Cela dit, j’imagine, au vu de ton billet, qu’il doit adopter un ton particulièrement partial et vindicatif (j’irai voir toutefois pour en être sûr) et en fin de compte, la polémique est vendeuse. Si l’on ne se soucie pas trop de devoir soutenir sérieusement sa position, si l’on ne craint pas d’être caricatural et simpliste, c’est une option payante.

    Un moment, en lisant ton 1er §, j’ai pensé relever la faute à  Koz … En fin de compte, je n’y tiens pas tant que ça.

  2. 1 janvier 2006

    lol, merci! ce serait rigolo que vous ayez des lecteurs croisés, entre Kos et Koz…

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