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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Europe: où va la gauche?

Au-delà  des jours prochains, l’échéance qui se profile est le renouvellement du Bundestag allemand à  l’automne. Après un nouvel échec du SPD, cette fois en Rhénanie du Nord Westphalie, Gehrard Schröder a décidé de provoquer des élections anticipées; il ne paraît pas rencontrer les mêmes difficultés qu’en son temps Helmut Schmidt, alors lâché par les libéraux, pour mettre dignement un terme à  la législature. Le geste pourrait ne pas manquer de panache mais ne relève pas tant du joueur d’échec que du flambeur de casino; et ses conséquences risquent d’être douloureuses, à  la mesure des errements du chancelier.

A moins qu’il ne se la joue tactique, comme il a gagné la précédente élection sur un pacifisme anti-américain opportuniste, et pense ainsi mieux couper l’herbe sous les pieds de l’opposition de gauche aux réformes enfin entreprises qu’en attendant la fin de la législature? Mais que le SPD fasse peut-être son plus mauvais score depuis la fondation de la République fédérale, précisément sur un programme réformiste, ne peut manquer d’évoquer les déchirements du Labour britannique après l’échec de Callaghan (lui aussi en butte à  la gauche du parti contre ses tentatives réformistes) en 1979, suivi par 18 ans d’opposition avant la renaissance de la Troisième Voie. Et la conjonction d’une gauche « anti-capitaliste » en Allemagne avec la gauche du non au traité constitutionnel en France (Oskar Lafontaine, qui est une sorte de Chevènement allemand, présent à  un meeting du « non ») n’annonce rien de bon.

Le Monde de samedi présente un éclairage inquiétant sur la manière de penser des dirigeants socialistes allemands, en citant Thomas Meyer, président de l’académie politique de la fondation Friedrich Ebert:

« En gros, estime-t-il, il y a dans le monde d’aujourd’hui deux concepts différents de démocratie qui s’affrontent: le concept de la démocratie libertaire, de type américain; et le concept de la démocratie sociale de type européen. La social-démocratie doit défendre son projet contre la concurrence du concept libertaire, en Allemagne mais aussi sur le terrain européen. Elle doit, dans les conditions de la globalisation et des changements sociétaux en cours, définir ce qu’elle représente aujourd’hui, et défendre son projet contre une démocratie libertaire entièrement fixée sur le marché ».

On retrouve cette obsession des fratries (ou des sectes) dans lesquelles c’est précisément de ce que l’on est proche, similaire, que l’on tente désespérément de se distinguer. Comme la « multipolarité » chère à  Chirac qui a conduit aux errements de certains pays d’Europe sur la riposte au 11 septembre 2001, prétendre voir une opposition fondamentale de type sociétale entre l’Amérique et l’Europe est une erreur tragique dans un monde globalisé. Dans une tribune percutante publiée dans le même numéro du Monde à  propos du traité constitutionnel, Sylviane Agacinski (Mme Jospin) porte le fer dans la plaie:

Certains font semblant de découvrir avec effroi la « concurrence libre et non faussée », dont le principe remonte au traité de Rome: est-ce à  dire qu’ils préféreraient une concurrence faussée par les monopoles? Ou pas de concurrence du tout, dans une économie à  la soviétique? Je préfère une Europe d’inspiration sociale-démocrate qui impulse des politiques sociales et reconnaît aux Etats le droit de développer les « services d’intérêt général » , c’est-à -dire les services publics.

J’ai déjà  évoqué ma conviction que les suites du 11 septembre 2001, attaque contre toute les démocraties qui doit faire prendre conscience de la nécessité de la défendre et de la promouvoir en cessant de composer avec les dictatures mais en travaillant résolument à  aider les peuples à  les renverser, sont porteurs d’un réalignement qui traverse tant la droite que la gauche (et on peut aussi en faire remonter l’origine à  la chute du Mur en 1989). Et je ne crois pas que cette question soit indépendante de l’attitude par rapport au marché: dans les deux cas, c’est bien l’avenir de la démocratie libérale qui est en jeu et celle-ci appelle, comme l’évoquait Oliver Kamm (à  juste titre sévère avec Schröder), un militantisme démocratique qui doit dépasser la gauche et la droite. Que la gauche allemande vacille, que la gauche française, dont on n’a jamais été sûr que ce soit par conviction plutôt que par opportunisme qu’elle s’est ralliée à  la culture de gouvernement, retombe dans ses errements, souligne a contrario la lucidité visionnaire (mais hélas peu prophétique) de Clinton et Blair dans leur conviction que la gauche doit se repositionner du côté des individus. Le populisme, l’altermondialisme et le totalitarisme (d’inspiration religieuse ou autre), voilà  les vrais ennemis; et le socialiste français Pascal Lamy est bien courageux de prendre la direction de l’Organisation mondiale du commerce dans ce climat.

A un niveau plus anecdotique, il faut relever le rôle de microcosme d’anticipation de la Suisse dans ces mouvements: l’alliance entre le PS et le PdT (nos communistes) a précédé l’Union de la gauche en France, de même que l’émergence des trotskystes par le biais d’une OPA masquée en vue d’organiser ce qui est à  la gauche du PS, pour assister désormais à  la neutralisation ambiguë de la gauche réformiste.