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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Sensibilité ou sensiblerie?

La venue d’un ours en Suisse cet été a vraiment été une aubaine, une mine inépuisable pour nos médias préférés, comme ici ou ici. Mais maintenant, il y a beaucoup mieux à  se mettre sous la dent: l’affaire dite du bébé-mouette (ce mot composé me gêne au plus haut point, même s’il était inévitable). Lire ici cet article du Matin, qui donne aussi accès à  des articles précédents sur le sujet. Pour changer de quotidien, il y a aussi cette une du Temps.

La question est la suivante: peut-on exposer dans un musée tout ou partie d’un corps humain décédé? Il semble que, dans nos sociétés, on ait fini par admettre le principe si c’est dans un cadre didactique (salles d’anatomie, musées des sciences médicales, etc.). On sait que la dissection de cadavres humains a été une conquête de la médecine moderne, mais on notera que quand il s’agissait de reliques de saints, la sensibilité était autre. Autre encore la sensibilité relative aux exécutions publiques précédées de tortures et suivies de l’exposition du cadavre.

A mon avis, la question doit être posée différemment: peut-on instrumentaliser tout ou partie significative du corps d’un humain mort, en l’absence de son consentement, c’est-à -dire l’utiliser pour autre chose que lui-même (dans un cadre didactique, le corps n’est pas pris pour autre chose que ce qu’il est), comme c’est le cas de l’oeuvre? Certes, en cousant la tête d’un foetus au corps d’une mouette, l’artiste avait, paraît-il, pour but de dénoncer les manipulations génétiques, qui sont peut-être pour lui (j’imagine) une menace pour l’espèce humaine ou une atteinte à  sa dignité. Toutefois, en procédant comme il l’a fait, il chosifie l’être humain – même si ce n’est qu’un embryon – ce qui est en contradiction avec toute prétention éthique relative à  la dignité de l’être humain. Le problème, c’est qu’une atteinte à  l’éthique de ce genre n’est pas forcément une infraction à  la loi en vigueur – pour autant que j’aie compris. Il n’y aurait donc pas matière à  censure. Il n’y a que la conscience du collectionneur puis du commissaire de l’exposition, qui dira que cette oeuvre (ou l’ensemble de l’oeuvre) a justement pour fronction de poser des questions, etc…

Encore une fois, ce qui me gêne, c’est qu’on confond le problème de la légitimité de telle ou telle représentation (violence, sexualité vénale = pornographie) avec le problème de l‘exposition d’un corps humain réel – en l’occurrence un foetus de six mois. Dans une société humaniste et libérale, la liberté de représentation (artistique, pornographique) devrait être maximale dans la mesure où il s’agit d’adultes consentants. Qu’on représente artificiellement une tête de bébé cousue à  une mouette tant qu’on veut, maculé de ce qu’on voudra, pour dénoncer ce qu’il faudra – et il y a encore bien des choses à  dénoncer, notamment en Chine. Mais laissez le corps non consentant à  lui-même, ne l’aliénez pas, n’en faites pas autre « chose ». L’argument de Lorette Coen dans un autre article(un éditorial celui-là ) du Temps qui évoque d’une part la tentation de la censure et d’autre part le grotesque d’une indignation sélective par rapport aux images d’horreurs réelles qui nous sont montrées quotidiennement, procède de la même confusion.

A part ça, certains ont pu prêcher sans rire qu’il faut accepter le fait d’une autre sensibilité en Chine (qui d’ailleurs a fait des misères à  l’artiste, mais pas pour la même oeuvre).