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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

L’insupportable paternalisme du mariage dématrimonialisé

Lesbiennes et gays pris en otage par les idiots des deux camps

Bon, pas nécessairement le meilleur des titres… Mais la situation du débat autour du « mariage pour tous » au Royaume-Uni est encore plus irritante qu’en France.

Car en France au moins il y a un vrai problème: les couples de même sexe ne sont toujours pas au bénéfice d’un statut reconnaissant publiquement leur existence et conférant des droits véritables. Le Pacs (1999) n’est qu’un ersatz, une Frencherei si j’ose[1], simple contrat civil entre une paire d’individus qui peuvent même être un couple hétéro entre concubinage et mariage. Ayant, malgré dix ans de retard sur le Danemark (1988), loupé le coche du partenariat civil pour les gays et les lesbiennes, le gouvernement socialiste peut difficilement faire moins que suivre la Belgique et l’Espagne et leur élargir le mariage civil (et d’autant plus si cela peut se réclamer de la tradition nationale d’anticléricalisme primaire de gauche).

La situation est très différente de l’autre côté de la Tamise: les couples de même sexe (qui pouvaient déjà  adopter, par ailleurs) connaissent depuis 2005 le Civil Partnership qui a établi l’égalité de traitement avec les couples hétéros mariés; la situation est identique en Suisse. Egalité sans confusion, certes, mais sans discrimination. La confusion, elle est dans l’esprit des quelques obsédés qui voient de la ségrégation partout et croient (parfois sincèrement!) que cette terminologie différente pour deux types de couples manifestement distincts revient au même que d’interdire les mariage interraciaux, de renvoyer les Noirs à  s’asseoir à  l’arrière du bus ou de se voir interdire l’exercice de certaines activités.

Proposé par le gouvernement Blair, le Civil Partnership (s’il fut imposé à  une Chambre des Lords hostile) a été adopté en 2004 par une large majorité de la Chambre des Communes, la plupart des députés libéraux démocrates et deux tiers des conservateurs – dont l’actuel premier ministre David Cameron – rejoignant les travaillistes. Pourquoi, moins de dix ans plus tard, rouvrir le débat?

J’avais déjà  donné ici une explication partielle: le besoin pour la coalition gouvernementale issue des élections de 2010 (et particulièrement son aile libérale démocrate) de se donner un visage humain contrastant avec sa politique fiscale et sociale de droite. Le point fut donc inscrit dans le contrat de coalition.

Si quelques libéraux démocrates donnent dans la satisfaction puérile de paraître dépasser Tony Blair sur sa gauche, lui faisant un procès rétrospectif de manque de courage et de rigueur sur les principes, ce qui est fascinant c’est de lire ces jours l’argumentaire (parfois sincère, lui aussi) de personnalités conservatrices en faveur du projet: il n’explique nullement pourquoi il serait nécessaire ou utile de passer du partenariat au mariage mais fait comme si le partenariat n’existait pas!

L’ancien premier ministre John Major[2] invoque l’importance familiale et sociale d’une manifestation solennelle autour du couple: c’est très exactement ce que produit le partenariat civil, de la cérémonie officielle à  la fête qui suit (et dans le langage commun les termes de mariage et d’époux sont souvent utilisés sans problème) et aux effets divers que le changement d’état civil entraîne (vis-à -vis de l’employeur par exemple). Tim Montgomerie, autre Tory influent, fait encore plus fort, évoquant dans le Times le temps reculé (mais que j’ai personnellement encore connu au travers de rencontres) de couples n’existant que dans le secret et dont un décès soudain pouvait laisser le partenaire survivant non seulement sans droits mais privé de tout deuil reconnu, simplement du fait l’ignorance de son existence par les « proches » et parents du défunt.

C’est donc pour permettre aux conservateurs modernes de se donner bonne conscience en reformulant et en se réappropriant ce qui existe déjà  que lesbiennes et gays ordinaires et qui n’ont rien demandé sont pris en otages du débat par les idiots des deux camps, les Talibans de la non discrimination obsessionnelle comme les Néanderthals de la contagion homosexuelle imaginaire! Sans avoir, cette fois, quoi que ce soit à  y gagner[3]. Un sondage publié aujourd’hui rapporte toutefois, et c’est bien sûr le seul véritable enjeu, que parmi les homos l’image des conservateurs s’améliore… Ils perdent aussi des points parmi les plus traditionalistes de leurs électeurs – mais ce sont les plus âgés, voire ceux qu’un appel à  la discipline peut ramener au bercail: cynisme, vous dis-je.

Et au diable les absurdités que la nouvelle loi soi-disant uniforme entraîne sur son passage: dans le détail, on est bien obligé de mentionner que le motif d’annulation du mariage civil tiré de la non copulation continuera de ne valoir que pour les couples hétéros, sans qu’un critère équivalent soit imposé aux lesbiennes et aux gays; les couples de même sexe se verront par ailleurs interdire l’invocation de l’infidélité conjugale pour obtenir le divorce.

Mais c’est sur le plan politico-religieux que le gouvernement britannique (encore une fois de son propre fait, sans que les intéressés aient rien demandé) crée une situation inextricable. Au Royaume-Uni l’Eglise anglicane, dont le souverain régnant est le chef nominal, a un statut officiel (même s’il garantit par ailleurs la liberté religieuse vis-à -vis de toutes les confessions): non seulement elle est habilitée à  conduire des cérémonies de mariage, mais elle est tenue de le faire, en alternative à  l’état civil, pour quiconque le demande en en remplissant les conditions civiles. La situation n’étant pas mûre pour une séparation juridique de l’Eglise anglicane et de l’Etat qui aurait pu résoudre élégamment le problème, le gouvernement a choisi une solution juridiquement bâtarde et qui fâche quasiment tout le monde: l’Eglise anglicane se verra formellement interdire, comme institution et au travers de chacun de ses prêtres, tout mariage entre personnes de même sexe[4] (pour faire bon poids, la législation antidiscriminatoire sera amendée pour empêcher toute contestation judiciaire de ce principe); toutes les autres églises et religions se verront, elles, dispensées de toute obligation antidiscriminatoire, mais leur droit de décider de procéder à  des mariages entre personnes de même sexe sera reconnu…

Notes

[1] Sabir anglo-germanique sur le modèle de la Genferei qui désigne l’exceptionnalisme prétentieux des Genevois.

[2] A qui l’on doit l’égalisation de l’âge de la majorité sexuelle à  16 ans alors qu’il était auparavant fixé à  18 ans entre hommes.

[3] Ce qui n’empêche évidemment pas leurs organisations de se croire obligées de faire la claque.

[4] Et si elle veut évoluer dans sa doctrine – comme le même gouvernement l’en somme sans ménagement et avec menaces à  l’appui pour permettre l’ordination de femmes parmi les évêques -, à  la triple majorité des deux tiers que prévoit sa constitution (dans le collège des évêques, le collège des prêtres et le collège des laïques) s’ajoutera donc la nécessité d’amender la loi.

2 commentaires

  1. Alex
    30 décembre 2012

    C’est fascinant la manière dont la loi règle la question de la fidélité sexuelle. Quelle est l’explication de la différence de traitement? Est-ce que cela a un rapport avec la présomption de paternité?

  2. Mireille
    30 décembre 2012

    Rigoureux et sage… François a parlé.

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