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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Discours de campagne

Un nouveau sondage persiste à  lui donner une majorité de l’ordre de deux-tiers: même si l’exercice est assez peu fiable en Suisse, c’est peu dire que le « oui » au partenariat ne part pas battu. Et toute la campagne est orientée dans le sens d’une évidence tranquille, servie par la propagande du « non » qui tend à  se marginaliser par une argumentation religieuse relevant (logiquement!) de la profession de foi et non du souci de convaincre. « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentils »: aux lesbiennes et gays proprets, responsables et carréments édifiants qui s’affichent répondent des hétéros de tous âges et de tous milieux débarrassés de tout préjugé: le rêve, je vous dis! La seule fausse note dans cette « positive attitude » est une affiche agressive de l’extrême-gauche genevoise qui met en scène Mgr Ratzinger / Benoît XVI…

On peut pourtant aussi rappeler qu’il y a un véritable enjeu: c’est le sens du récit poignant publié par un ami, hélas seulement dans un quotidien local confidentiel (et au lectorat sans doute acquis à  la cause). Jean-Pierre Sigrist était bien placé pour le faire: militant de la première heure et de toutes les heures, qui me fait penser à  Peter Tatchell par son inépuisable capacité d’indignation et d’enthousiasme, aux objets innombrables, dont la radicalité véhémente se marie mystérieusement avec une urbanité exquise. Son texte est reproduit intégralement ci-dessous.

Il était dur d’être « différent »

PARTENARIAT ENREGISTRE – En marge des votations du 5 juin, Jean-Pierre Sigrist témoigne de la fin tragique d’un couple d’amis gays (Le Courrier du 20 mai 2005, page Lecteurs)

« Mon soleil qui lui« 

avait écrit Jacques à  Yves. Un poème rédigé, ô il y a bien plus d’un quart de siècle, peu de temps après leur rencontre fortuite dans un lieu public genevois. Yves, le Jurassien, issu d’un milieu modeste, était l’homme de maison. Et un excellent cuisinier. Jacques, brillant prof de français dans un lycée de l’Ouest genevois, portait le nom à  particule d’une très vieille famille valaisanne. Depuis lors, ils vécurent ensemble dans une commune périphérique. Discrètement. Le nom de famille d’Yves n’apparaissait pas sur la porte de leur appartement commun, pas plus que sur la boîte aux lettres. L’activisme gay n’était pas leur truc.

Là , entre bonzaïs dressés par Jacques et pots confectionnés par Yves, leurs vies s’additionnèrent en passions complémentaires pendant plus de deux décennies. Et quand le bleu argenté du regard de Jacques se posait sur la nuque dégagée de son compagnon de vie, on pouvait y lire: « J’ouvre ta chemise et je vois la mer ».

Jusqu’au jour où, il y a treize ans, Jacques décéda brusquement sur une table d’opération lors d’une intervention bénigne.

En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, sa famille, qui n’avait jamais accepté ses mœurs, a mis la main sur l’ensemble de ‘ses’ biens. Sans protection juridique et ayant perdu du jour au lendemain son amour et son toit, Yves mit fin à  sa vie dans la semaine qui suivit.

Quelques jours plus tard, à  l’église catholique de Versoix, avec quelques amis communs, nous écoutions les litanies et autres miserere débités par le curé de service. Ils satisfaisaient visiblement la famille de Jacques. Pas un mot concernant Yves.

Sur l’autel, un petit bonzaï et un pot, couleur terre, pour l’accueillir, résumaient deux vie.

Et sur ces deux hommes, tombe depuis cet instant, le silence du bonheur éternel…

 »Jacques est décédé le 29 octobre l992 et Yves le 3 novembre de la même année. »

2 commentaires

  1. Alex
    27 mai 2005

    Histoire très touchante; en effet, la qualité d’héritier du partenaire enregistré, qui fera bien ainsi, osons un gros mot, partie de la famille de son partenaire, ne sera pas le moindre des acquis. Mais, il risque d’y avoir un revers de la médaille au large taux d’acceptation qui se profile. Je trouve que certains discours auraient pu se faire plus revendicateurs. Par exemple, l’adoption est taboue si ce n’est pour dire qu’elle est exclue (c’est même devenu un argument dans la bouche de certains qui défendent les droits des couples de même sexe, ce qui me paraît un comble!). Après cette argumentation un peu lénifiante, la deuxième tranche du salami sera plus difficile à  découper, même si le peuple mangera volontiers la première.

  2. Je trouve que certains discours auraient pu se faire plus revendicateurs.

    Disons que c’est plus facile à  dire maintenant qu’avant… Et attendons l’après-midi du 5!

    Puis-je te rappeler que tu écrivais dans Domaine Public le 19.11.2004:

    La campagne référendaire sur le partenariat s’annonce délicate. (…) Pour gagner le vote, il faudra dissiper les vieilles peurs

    😉

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