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Culture du débat et culture du compromis

DebateMapper est né dans une culture anglo-saxonne qui valorise la confrontation, tant par le sport que par la parole: les debating societies sont un élément de la vie scolaire puis universitaire. Leur horizon est bien sûr la Chambre des Communes, parlement par excellence qui fixe le standard suivi: une proposition (au sens grammatical) sous forme de motion est défendue, respectivement combattue par les orateurs (deux, ou alors deux équipes), puis on passe au vote des membres ou du public qui a assisté à  la joute. Les figures de la rhétorique sont ici enseignées et les élites les emploient en connaissance de cause.

Les Britanniques ont beau partager avec les Suisses une méfiance certaine à  l’égard du brillant superficiel de certains Français (qui s’autoproclament « intellectuels » sans la moindre self-deprecation de rigueur de ce côté de la Tamise), la fascination pour la beauté du discours me paraît cependant un élément de similarité frappant entre les deux cultures, la britannique et la française[1].

La Suisse est différente: nation composite et multilingue où l’on peut vivre ensemble parce que l’on ne se comprend pas, ces délices de l’esprit ne sont pas pour elle. Ce qui compte c’est l’intérêt, la recherche du compromis majoritaire, qui se construit laborieusement et doit en même temps respecter, ménager les minorités (elles feront elles-mêmes partie d’autre coalitions majoritaires). Mais cette culture est aussi celle qui imprègne toute la construction européenne! Jean Monnet était certainement le plus suisse des Français. Le parlement européen est par nature incapable de débattre[2], de voter sur la base d’arguments: comme le parlement fédéral suisse, il n’est là  que pour formaliser, mettre en scène des accords noués en commission ou entre groupes parlementaires, en tenant compte aussi du vote des Etats qui s’exprimera au Conseil des ministres qui tient lieu de chambre haute.

En Suisse, ce sont les initiatives populaires qui jouent le rôle des debating societies au Royaume-Uni[3]. Elles n’ont que l’apparence d’une proposition sur laquelle on vote par oui ou par non. D’une part, elles peuvent être déjà  la recherche d’un compromis. D’autre part, ce qui compte, ce n’est pas le vote (l’immense majorité des initiatives sont rejetées) mais les retombées ultérieures, en termes d’émergence de nouveaux acteurs à  intégrer au jeu (les écologistes, par exemple), de coalitions nouvelles, de nouvelle manière de formuler un problème ou des solutions. Une raison de plus de souhaiter leur introduction au niveau européen: pour que le débat transversal puisse au moins naître sans être confisqué par les gouvernements nationaux.

Notes

[1] La supériorité de la forme anglaise, toutefois, c’est qu’elle tend obligatoirement vers l’acceptation majoritaire et a donc un souci de faisabilité, alors que la française paraît se repaître de l’obscurité incompréhensible et de l’adversité minoritaire… 😉

[2] La traduction simultanée par vagues successives décourage toute tentative d’humour.

[3] Dont les objets de discussion préfigurent et préparent les évolutions de la société.