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Une initiative populaire pour une Constituante européenne?

C’est l’idée lancée par un parlementaire suisse, par ailleurs membre de l’Assemblée du Conseil de l’Europe, le socialiste zurichois Andreas Gross: pour sortir de l’affrontement entre partisans d’une Europe politique, avec sa propre Constitution, et partisans d’une Europe des Etats, fondée sur des traités et la primauté des gouvernements et parlements nationaux, que le Conseil européen accepte de laisser l’initiative au peuple!

Le Traité constitutionnel européen était de toute façon un curieux hybride: ce n’était qu’un traité[1], mais avec des grands mots dedans. Et les solutions qu’il proposait, si elles n’étaient pas forcément idiotes, n’étaient pas parfaites non plus, sans que rien de raisonnable (se rapprochant d’une démarche de révision constitutionnelle, justement) ne soit proposé pour leur permettre ensuite d’évoluer d’une manière moins lourde que par… la négociation d’un nouveau traité. S’y accrocher, outre que c’est sans espoir, n’est en réalité guère satisfaisant.

Mais l’abandonner au profit d’un simple traité toilettant les traités existants, c’est donner le sentiment d’un tournant, certes jamais irréversible, mais embarrassant vis-à -vis des 18 Etats qui ont toute de même ratifié le TCE et inacceptable pour les vrais fédéralistes européens (s’il en reste). Gross propose donc l’une de ces solutions auxquelles les Suisses sont rompus: elle ne fait perdre la face à  personne, elle reporte l’échéance et elle renvoie à  un mécanisme d’horlogerie.

Sa suggestion au Conseil européen de juin au cours duquel Merkel, Blair et Sarkozy veulent lancer la préparation d’un nouveau traité destiné à  se substituer au TCE: ne fermez pas la porte à  une évolution ultérieure vers une Constitution (les partisans de celle-ci doivent donc pouvoir en conserver l’espoir, même ténu); mais simultanément rassurez les adversaires d’une telle Constitution: elle ne leur sera pas imposée (ils doivent au fond pouvoir croire que c’est une concession formelle qui ne se concrétisera jamais).

Le mécanisme, c’est d’accepter le mini-traité, limité aux questions d’organisation nécessaires pour réformer l’inepte traité de Nice et donner à  l’Union ce dont elle a besoin pour fonctionner à  27, 30 ou davantage; mais de fixer dans celui-ci une clause donnant au(x) peuple(s) de l’Union:

  • Un droit de proposer l’élection d’une Assemblée constituante européenne, sur la base d’un texte signé par au moins 10 millions de citoyennes et citoyens de l’Union dans une période de temps donnée (selon une procédure à  codifier à  titre de disposition d’application du mini-traité); ce texte se limiterait à  lancer le processus en proposant les modalités de désignation des futurs constituants[2]. C’est très exactement ce que, dans le canton de Genève, une association dont je fais partie a été amenée à  formuler faute pour la Constitution cantonale de contenir un dispositif adéquat: le texte est là , il suffit de transposer un peu.
  • Si elle aboutit, cette proposition (initiative populaire, comme nous disons en Suisse) devra obligatoirement être soumise à  un référendum dans l’ensemble de l’Union: c’est le deuxième droit conféré au(x) peuple(s) de l’Union.
  • Troisième droit, si le principe d’une Constituante est accepté: le résultat de ses travaux devra lui aussi être soumis au référendum dans l’ensemble de l’Union. Tant pour le principe d’élire une Constituante que pour la décision sur une éventuelle Constitution, il faut prévoir une règle de double majorité: le projet doit pour être adopté avoir recueilli la majorité des voix exprimées à  l’échelle de l’Union, évidemment, mais aussi avoir recueilli une majorité acceptante dans une majorité des Etats membres. Le texte genevois auquel je renvoie contient également des idées sur la manière dont on peut cadrer les travaux de la Constituante, en lui donnant un délai et en permettant une seconde chance après le refus éventuel d’un premier projet (mais pas davantage).

C’est suffisamment difficile pour que ça ne se réalise jamais: on en resterait alors à  l’Europe des Etats et des traités, mais au moins sans que cela soit uniquement le résultat par défaut d’un chantage institutionnel, de maneuvres de couloirs ou l’exutoire de conflits politiques internes à  tel ou tel Etat. Et en même temps c’est parfaitement réalisable si la volonté existe, si les circonstances s’y prêtent.

Reprendre à  son compte la proposition d’Andreas Gross, ce serait un bon moyen pour Bernard Kouchner d’imprimer sa marque, non? Sans que Sarkozy puisse trouver à  y redire (bien au contraire, c’est lui qui encaisse le bénéfice d’image)… Et pour Blair de sortir en beauté. Et pour Merkel de terminer son semestre présidentiel en apothéose. Vous qui lisez cela, si l’idée vous plaît, merci de faire suivre, nous n’avons que quelques jours ou semaines devant nous!

Dernières modifications rédactionnelles: 22.05 à  15h

Notes

[1] Marchandé entre les gouvernements et nécessitant pour entrer en vigueur l’accord de chaque Etat membre, chacun selon ses modalités propres.

[2] Personnellement je n’aurais aucune objection à  un panachage entre membres élus au suffrage universel et personnes nommées par les gouvernements ou parlements nationaux.

7 commentaires

  1. Gus
    22 mai 2007

    L’idée est très intéressante, mais pourquoi vouloir absolument la faire dans le cadre de l’Union Européenne, alors que les partisans de l’Europe des Etats y tiennent tous les postes et les calendriers depuis Delors ? Au point de prétendre que l’idée même de consulter l’ensemble des citoyens européens y pose des questions insurmontables ?

    Peut-être est-il temps de ne plus attendre de l’U.E. la construction d’une entité supra-nationale moderne.

  2. 22 mai 2007

    C’est une solution délicieusement utopique. J’y suis pour ma part tout à  fait favorable, mais je suis sincèrement persuadé qu’il est parfaitement illusoire de demander aux Etats d’abandonner leur souveraineté de manière aussi flagrante. Rien qu’en France, le fait de parler de « Peuple européen » va en faire grimper certains aux rideaux: vous croyez sincèrement qu’un Sarkozy fraîchement élu sur le thème de la France, il faut l’aimer, c’est la faute à  l’Euro trop fort, mourrez pour la Patrie, va faire ça ? et je suis sûr que ce sera pareil dans bien des pays: UK, Pologne, Pays-Bas, Danemark …

    Les poubelles de l’histoire sont pleines de très bonnes idées 🙂 !

  3. @GroM: Personnellement j’utilise  »utopique » dans un sens positif, et  »chimérique » quand je veux être négatif… En réalité, la proposition de Gross est strictement réaliste et pragmatique; pour déployer vraiment toutes ses séductions, elle demande, il est vrai, un héraut du Désir de Constitution 😉 au sein du Conseil européen (Gross évoque Verhofstadt, peut-être Zapatero?) prêt à  s’opposer au tandem Blair – Sarkozy (car Merkel est en principe nettement moins souverainiste qu’eux, mais veut simplement avancer) s’il le faut.

    Alors c’est le blocage, le TCE poursuit sa vie dans les limbes (qui n’existent plus) car il n’y a pas d’unanimité possible pour convoquer une nouvelle Conférence intergouvernementale… sauf si la clause d’initiative populaire en faveur d’une Constituante future est réservée! Et sa concrétisation est tellement hypothétique, subordonnée à  tellement d’obstacles à  surmonter successivement, mais en même temps forte d’une telle légitimité si elle se produit que cela ne peut pas sérieusement être vécu comme un abandon de souveraineté de la part des gouvernements qui y souscriraient en juin 2007…

  4. Gus
    22 mai 2007

    Il reste tout à  fait imaginable que les états qui auront signé à  la fois pour Schengen, l’Euro, et le TCE décident de continuer seuls la construction européenne, ne laissant comme choix aux autres que de suivre ou attendre ? Auquel cas, l’hypothèse d’un référendum européen à  l’occasion des élections de 2009 redeviendrait crédible.

  5. Pour réutiliser honteusement un commentaire sur la légitimité de la méthode de changement constitutionnel :

    Mon point de vue de citoyen, je vois trois procédure pour modifier une constitution par ordre de légitimité décroissante :

    1. réferendum sur un texte établi par une assemblée constituante

    2. réferendum sur un texte établi par toute autre entité (en France proposé par le président de la République)

    3. texte établi par une assemblée constituante sans réferendum

    4. changement du texte par les assemblées en place

    C’était dans le cadre français ou il y a discussion sur la possibilité par le président de changer la constitution en « court-circuitant » l’assemblée et le sénat par un référendum.

    « Article 3 La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »

    Dans ce contexte, la proposition discutée ici rajoute même un petit peu a 1. Mais elle reste très utopique.

  6. 23 mai 2007

    Andreas Gross, c’est pas entre autre le socialiste zurichois qui avait poussé le non à  l’EEE en 92?

    bon je sors… >:)

  7. @David: lol, je dois pouvoir vérifier, et cela ne serait pas vraiment étonnant vu la trajectoire du personnage, que j’ai renoncé à  évoquer car elle mériterait un billet pour elle-même: c’est d’abord comme père de l’initiative fondamentaliste « Pour une Suisse sans armée » que Gross s’est fait connaître, avant de se réinventer comme apôtre de la tradition démocratique suisse (cf. Grimm, de la grève générale de 18 à  l’acceptation de la défense nationale et la participation du PS au Conseil fédéral)… Voir cette page que je viens de trouver.

    Mais je connais personnellement au moins un socialiste genevois actuellement euro-turbo et qui en 1972 (oui, les politiciens n’oublient jamais rien) faisait campagne contre l’Europe du Capital à  propos d’un simple traité d’association de la Suisse avec la CEE…

    COMPLEMENT DE 14h15: Sur le site d’Andi Gross, je trouve via Google ces deux textes qui semblent indiquer qu’il était déjà  profondément pro-intégration de la Suisse à  une Europe démocratisée à  l’époque. Même s’il a éventuellement voté non à  l’EEE, ça peut être parfaitement cohérent de ce point de vue.

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