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La coalition et le financement des études supérieures

Dernière édition: 16.10.2010 à  23h55

L’un des problèmes inédits que pose la coalition Tory-LibDem[1], c’est celui du contenu et de la légitimité de son programme gouvernemental. Car l’usage traditionnel selon lequel le parti arrivé en tête occupe le pouvoir et met en oeuvre son programme[2] est évidemment inapplicable. L’affaire des tuition fees (les taxes universitaires, comme on dirait en Suisse où elles sont symboliques et les universités des établissements publics autonomes et pas des institutions privées) est une bonne illustration.

Avec Tony Blair le Labour s’est illustré par une de ces politiques courageuses, authentiquement progressistes et paradoxales en apparence seulement dont les socialistes sont capables lorsqu’ils sont au gouvernement[3]: jeter aux orties le consensus conservateur/social-démocrate d’études supérieures gratuites ou presque (donc à  la charge de l’Etat, de l’ensemble des contribuables, pour le bénéfice des enfants de milieux aisés, surtout, et des futures élites), et affirmer le principe que les bénéficiaires doivent payer — parce qu’ils le peuvent (ou plus précisément le pourront) et qu’il y a mieux à  faire de l’argent public. En mettant en place, en bons sociaux-libéraux, non seulement des bourses pour les étudiants provenant de milieux moins favorisés, mais surtout un dispositif de paiement intelligent et dans la pratique indolore: un financement à  crédit sophistiqué dont le remboursement n’est dû qu’à  un rythme strictement compatible avec l’amélioration concrète la capacité financière des intéressés.

Les libéraux-démocrates, dans leur rôle de parti de la gauche intello bourgeoise que Vince Cable incarne tout particulièrement, y étaient violemment opposés: refusant de voir le problème de classes et de choix financier, ils estimaient que l’Etat n’a qu’à  payer, position confortable du parti qui ne risquait pas d’avoir à  gouverner et pouvait se permettre d’avoir à  son programme l’augmentation des impôts. Les conservateurs jouaient leur rôle d’opposant en combattant le projet, mais en leur capacité de futur gouvernants l’ont depuis accepté faute d’être prêts à  voir l’Etat financer le manque à  gagner de la réduction massive des taxes universitaires désormais en vigueur.

Et voici que la coalition, par la voix du ministre lib-dem en charge, Vince Cable justement, propose un bouleversement étatiste et carrément punitif pour les (futurs) riches: les études universitaires ne seront plus facturées aux bénéficiaires directs et payées à  crédit, sous la responsabilité des universités et en fonction de l’attractivité (particulièrement sous forme de revenus futurs) des formations, elles seront financées par un impôt supplémentaire sur le revenu des diplômés! Un projet non seulement absurde (dont les modalités seront un casse-tête) mais dément, qui supprime toute notion d’émulation[4] en faveur d’un centralisme redistributeur — si tant est que la totalité du produit de cet impôt supplémentaire soit réellement affectée à  l’éducation supérieure.

Une proposition qui ne figure évidemment pas au programme du parti conservateur, arrivé en tête aux élections, qui ne correspond à  aucun mandat démocratique et ne saurait se prévaloir d’un changement de circonstances.

COMPLEMENT DU 16.10.2010

For the record, j’ai le plaisir de préciser que Vince Cable a mangé son chapeau: la coalition est revenue au bon sens et a abandonné le projet de financer les universités par une taxe sur les diplômés. Il a fallu pour cela que Lord Browne (oui, l’ex-patron de BP), qui était chargé de conduire une étude indépendante sur le sujet que l’annonce de Cable visait manifestement à  orienter, y résiste: c’était d’autant moins difficile que les faits sont têtus. Son rapport a été publié au début de la semaine: il inclut une démolition en règle de la taxe. Et Cable et le gouvernement acceptent ses conclusions qui préconisent non seulement le maintien du système mis en place par Blair mais de supprimer le plafond aux taxes (qui ne sont remboursables que sous condition de revenu suffisant ultérieur) tout en complétant et améliorant le dispositif de bourses et de paiement variable. Bref, comment adopter une excellente politique de financement des universités en perdant un maximum de crédibilité pour les lib-dems!

Notes

[1] La terminologie n’est pas encore stabilisée ici: Lib-Con ou Con-Lib, mais Con-Dem qui sonne comme une comdamnation progresse…

[2] Cela a même une portée juridique: programme s’entend au sens formel du Manifesto sur lequel le parti a fait campagne, pas l’ensemble des idées et projets qu’il a pu évoquer, et auxquels il peut continuer de tenir, mais qui n’ont pas trouvé leur confirmation dans ce texte; s’il était mentionné dans le Manifesto, la Chambre des Lords n’est pas autorisée à  refuser en seconde lecture un texte dont la Chambre des Communes a confirmé l’adoption.

[3] Particulièrement dans un système majoritaire, où la responsabilité politique n’est pas un vain mot et se manifeste très concrètement par l’alternance du pouvoir ou de l’impuissance; un régime proportionnel éclaté, lui, pousse chacun à  rester dans sa niche et condamne le ministre socialiste de l’éducation innovateur à  être désavoué par son parti…

[4] On commençait à  voir les bénéfices qualitatifs du nouveau système, les futurs étudiants faisant leur marché avant de s’inscrire, puis veillant en cours d’études à  en avoir pour leur argent — au grand déplaisir des professeurs.