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UBS aux USA, ou la Suisse, le secret bancaire et l’évasion fiscale: «Les vacances de la probité»

J’aurais pu utiliser le proverbe «Point d’argent, pas de Suisse», en lui donnant probablement un sens renouvelé. Si j’emprunte ce titre à  un ouvrage de l’universitaire genevois Edouard Claparède, Morale et politique, ou les vacances de la probité, c’est pour rappeler que la critique de la suissitude est, Dieu merci, une partie intégrante de la littérature nationale. Publié en 1940, il est réédité en 1947 dans une «version non censurée».

L’objet du scandale de l’heure n’est pas la neutralité mais le secret bancaire. Ses zélateurs le voulaient subliminalement fondu dans la Croix-Rouge à  l’image de la Suisse comme refuge[1]. La conclusion extra-judiciaire d’un accord conclu avec les Etats-Unis[2] en vue de mettre fin à  une procédure engagée contre UBS aux Etats-Unis révèle tout autre chose: l’étendue de la corruption morale au sein de la banque, prête à  tout pour faciliter l’évasion fiscale à  son profit de fortunes américaines; et la veulerie des autorités suisses, à  la fois complices de ces actes ni poursuivis ni même dénoncés alors qu’ils sont contraires au droit suisse et aux règles professionnelles, et sans transition délatrices de ces clients courtisés hier, deshumanisés aujourd’hui pour les livrer au fisc américain.

Mais attention, pas n’importe comment, on a sa fierté: les autorités américaines n’ont pu contourner par leur procédure judiciaire en Floride (et leur chantage sur la licence bancaire d’UBS aux Etats-Unis) le droit suisse, elles ont été amenées à  respecter la Convention de double imposition entre les deux pays et la procédure d’entraide administrative qu’elle prévoit. C’est toutefois dans une version taillée pour elles, stipulée en minutieux détails par l’accord: ça fait plutôt penser à  la ruse minable de celui qui livre le fugitif qu’il abritait en se faisant arrêter également, puis libérer à  l’abri des regards. Et admirez le maquignonnage: on disait que l’Amérique exigeait le sacrifice de 5’000 têtes pour apaiser son courroux, eh bien la Suisse a marchandé non pas seulement 4’500, mais carrément 4’450 (pas -10% mais -11%, ah mais!).

Ce qui empêche de considérer cette affaire comme ponctuelle et limitée à  UBS mais oblige à  y voir un trait national, c’est la remarquable continuité d’attitude qui se dégage:

  • après les bouleversements de la deuxième guerre mondiale, dans les obstacles mis par les banques et par les autorités à  la restitution des fonds en déshérence (là  aussi jusqu’à  la crise, dans les années 90)
  • durant les 30 Glorieuses, des cotisations sociales perçues d’étrangers venus travailler en Suisse puis renvoyés chez eux sans prestations
  • avant que les Américains n’en exposent l’hypocrisie, de la lenteur et de la pusillanimité de la réponse aux demandes d’entraide administrative en matière de fraude fiscale et actes analogues.

Sur le fond, moi je suis ravi que, grâce aux Etats-Unis, la Suisse cesse enfin d’être un Etat voyou favorisant l’évasion fiscale dans les pays amis et alliés. Peut-être ne fallait-il pas attendre du gouvernement fédéral qu’il dise cela. Et bien sûr je ne prétends pas que la Suisse devrait se lever toute entière pour défendre jusqu’au dernier souffle les 52’000 noms réclamés par les Américains (ni même les 4’450): c’est le rôle d’un responsable de prendre des décisions douloureuses, difficiles, c’est de s’y refuser qui est facile. Songeons à  l’alpiniste qui doit sacrifier des compagnons de cordée, au chef militaire en opération, et même à  ces cas où il faut livrer des victimes promises à  un sort terrible pour empêcher l’exécution d’otages. Ceux qui prennent ces décisions le font au plus près de leur conscience, ce sont de vrais héros si le résultat voulu est atteint. Mais ils en mesurent le prix ne vont pas se pavaner devant les caméras pour proclamer leur «fierté» comme l’a fait à  propos de l’accord UBS la ministre suisse des affaires étrangères, la socialiste genevoise Micheline Calmy-Rey.

P.S. Tout s’explique, c’était un prêté pour un rendu: MCR couvrait de son aplomb valaisan le ministre des finances (et président de la Confédération en exercice), le conservateur Hans-Rudolf Merz, et lui se prêtait à  un acte d’auto-flagellation qui pour elle aurait été doublement embarrassant[3] en allant s’excuser auprès du colonel Khadafi de la manière dont la police et la justice genevoises ont traité son fils.

Notes

[1] Un autre rappel que certains Suisses au moins font quelque chose d’utile.

[2] L’accord est double: entre UBS et le fisc américain et entre les autorités suisses et américaines.

[3] Triplement si l’on ajoute l’impair Ahmadinejad que cela aurait immanquablement rappelé.