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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Eveline Widmer-Schlumpf en Sarah Palin, pitbull aux yeux bleus, et les Grisons comme Alaska?

Certes, c’est un peu tiré par les cheveux… Mais c’est le genre de délire qui me distrayait en même temps que j’écrivais un article très sérieux d’analyse politique sur les reclassements en cours depuis un an dans la droite suisse, et qui sont sans doute loin d’être terminés. J’avais souligné à  l’époque combien la ministre UDC élue par surprise par le Parlement fédéral, en lieu et place de Christoph Blocher, le chef, pour ne pas dire le Lider maximo incontesté du parti alors à  cheval entre le gouvernement et l’opposition la plus populiste, pouvait soulever des espoirs déraisonnés. Dix mois plus tard, les choses se décantent. Elle pourrait effectivement, comme Sarah Palin, avoir le pouvoir de galvaniser vers l’action des personnes qui ne s’y destinaient pas a priori (et sans exercer d’effet repoussoir): ramener dans le jeu politique traditionnel un électorat qui s’en éloigne dangereusement — ce qui en Suisse veut dire contribuer de manière positive à  des solutions qui trouvent une majorité solide au Parlement, susceptible de ne rassembler contre elles qu’une minorité en cas de votation populaire.

Ca m’a semblé d’un intérêt trop local pour que je le rode d’abord comme billet sur ce blog, avant sa publication par Domaine Public et le quotidien Le Temps. Mais le voici tout de même.

Et si l’on donnait sa chance au parti bourgeois-démocratique?

Ce n’est pas seulement la composition du Conseil fédéral qui est jeu, c’est la recomposition de la droite

En expulsant non seulement ses conseillers fédéraux, mais aussi le parti grison tout entier, l’UDC a matérialisé sa scission et entraîné la création du parti bourgeois-démocratique (PBD, dont une meilleure traduction française pourrait être parti citoyen-démocrate, PCD). Son congrès constitutif aura lieu le 1er novembre à  Glaris, avec la participation de Samuel Schmid et Eveline Widmer-Schlumpf. Il permet aux exclus, mais aussi aux membres et élus de l’UDC inquiets de la ligne majoritaire de se retrouver sans pour autant rejoindre un parti adverse. L’enjeu est alors de savoir si ce parti est susceptible de cristalliser dans l’actuelle Assemblée fédérale un groupe parlementaire (et au-delà  du minimum requis de 5 élus dans l’un des deux conseils), s’il peut avoir une présence dans les cantons et laquelle, et s’il n’est pas susceptible de provoquer d’autres reclassements, attirant à  lui des militants et des élus d’autres partis qui n’y sont pas très à  l’aise mais n’auraient jamais envisagé de rejoindre l’UDC blochérienne: à  l’heure d’une fusion radicale-libérale laborieuse et du perpétuel grand écart du PDC, le PBD ouvre des perspectives nouvelles qui pourraient intéresser également des verts de droite et des évangéliques.

L’avenir respectif de l’UDC et du PBD dépendra surtout de l’électorat, bien sûr. Mais aussi de l’attitude qu’adopteront les autres partis. Sauront-ils accompagner l’émergence d’un PBD, certes moins important numériquement que l’UDC, comme nouvel ailier droite de l’«arc gouvernemental» par lequel passent les compromis majoritaires au Parlement et en votation, et rejetant durablement l’UDC dans le rôle d’«A droite toute» conforme à  sa position?

Au départ de Samuel Schmid, qui n’est pas urgent (DP 1795), le PDC peut bien retrouver un second siège avec l’appui du PS et des verts, mais au départ d’EWS c’est tout naturellement un ou une PBD qui la remplacerait. Ou l’expulsion de Blocher n’était-elle qu’un mouvement d’humeur, le rejet individuel et non politique d’un élément perturbateur, la majorité d’un matin ne croyant pas elle-même à  son audace et le PBD étant promis à  la courte vie des partis d’occasion?

Sur l’Europe, certainement appelée à  rester un important critère de distinction entre les partis, il y a manifestement place pour deux positions distinctes à  droite, toutes deux compatibles avec la participation au gouvernement: celle qui va de l’arrimage bilatéral passif actuel jusqu’à  l’adhésion en passant (Turquie et Royaume-Uni aidant) par une recomposition du noyau des membres de plein exercice et du cercle des membres associés aux décisions dans l’Espace économique européen, qui recouvre PRD et PDC; et celle de l’ancrage européen de la Suisse compris sans réticence, mais pas au-delà  de la voie bilatérale, que peut incarner le PBD.

Une UDC qui n’acceptait que du bout des lèvres les accords bilatéraux, elle, a manifestement sa place dans l’opposition en rassemblant l’électorat nationaliste hostile à  toute construction européenne, qui existe d’ailleurs dans tous les Etats du continent.

On peut décliner l’exercice sur d’autres sujets. Un PBD plus patriote voire nationaliste que ne peuvent l’être le PRD et le PDC, mais pas xénophobe comme l’UDC. Un parti renouant avec les origines agrariennes de l’UDC, lui abandonnant les milieux défavorisés des villes qu’elle dispute à  la gauche dans une alliance paradoxale avec le capitalisme dur, mais incarnant mieux que les autres partis de droite les valeurs traditionnelles non urbaines, moins sensible aux séductions de la mode et de l’argent facile. Vraiment conservateur (y compris, pourquoi pas, sur le paysage et les ressources naturelles), mais vraiment démocrate.

Une UDC d’opposition est la conclusion naturelle de son évolution sous la férule blochérienne et n’a rien d’anormal ni même d’inconfortable. C’est l’absence de représentation du courant oppositionnel de droite dans la configuration politique et parlementaire qui serait inquiétante. Si l’UDC n’occupe pas ce terrain, d’autres le feront. Auparavant ils s’appelaient parti républicain, Action nationale, parti des automobilistes. Ils avaient moins d’élus certes, et ils étaient dispersés. Mais c’est l’enjeu d’un PBD réel et non fantoche que de ramener la frange oppositionnelle nationaliste et populiste de droite à  un étiage moins inquiétant qu’aujourd’hui. En renforçant l’arc gouvernemental et la stabilité du régime de concordance.

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