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Fédéralisme à  l’anglaise

Le rapport des Britanniques aux frontières et à  la nationalité est tout sauf simple: ainsi Le Monde d’aujourd’hui m’apprend qu’il n’existe aucune frontière entre la République d’Irlande et le Royaume-Uni (Irlande du Nord comme Grande-Bretagne). C’est une suite qui paraît idyllique après la lutte violente pour l’indépendance irlandaise qui a donné lieu à  la partition de l’île en 1920: je doute qu’il en soit même entre la Slovaquie et la République tchèque où pourtant il s’agissait vraiment d’une séparation d’égaux et non de libération contre un occupant / de retrait d’une colonie; et je n’ose en rêver pour les futures relations entre les deux Etats d’Israël et de Palestine… Pour l’Irlande, en tout cas, cela va changer car les Britanniques ont fini par se rendre compte qu’ils n’avaient, du coup, aucun contrôle sur l’entrée d’étrangers à  partir du sol irlandais (mais l’Irlande veut refuser la réciproque: elle entend continuer de n’exercer aucun contrôle, en particulier, entre l’Irlande du Nord et la République).

Le même pragmatisme pas nécessairement conséquent s’applique sur la question des rapports entre le pouvoir central (« Westminster » pour le pouvoir politique, « Whitehall » pour l’administration) et les différentes parties du royaume. L’Ecosse, qui avait conservé dès l’Acte d’Union une tradition juridique et judiciaire distincte, dispose maintenant d’un parlement et d’un gouvernement dotés d’une large autonomie[1]. Sans pouvoir aller aussi loin dans les compétences, le Pays de Galles[2] suit (à  moins que ce ne soit l’Irlande du Nord: dans le régime actuel de liberté surveillée et de partage du pouvoir obligatoire entre adversaires, entre lesquels de surcroît la religion prime sur l’échelle gauche-droite, les règles de la politique traditionnelle sont quelque peu suspendues et ne permettent pas d’évaluer vraiment le rapport au pouvoir central). Ce qui est sûr, en revanche, c’est que l’Angleterre n’a pas d’existence propre sur le plan politique ou administratif: elle fait corps avec le Royaume-Uni dont elle représente 83,8% de la population (50,34 mios d’habitants).

Cela pose tout de même un problème politique: les lois qui s’appliquent à  l’Angleterre (en général, par exemple sur la santé, l’éducation, le logement: à  l’Angleterre et aux Pays de Galles, avec régime similaire mais distinct pour l’Irlande du Nord; rien pour l’Ecosse quand la compétence a passé au parlement d’Edimbourg) sont adoptées en dernier ressort par la Chambre des communes. Et il n’est pas rare que seul un fort contingent de députés écossais donne une majorité au gouvernement travailliste… Le leader conservateur, David Cameron, vient de se prononcer pour la réforme qui paraît aller de soi: ne pas faire voter les élus écossais sur les lois qui ne les concernent pas.

Cela entraînerait cette bizarrerie vénielle que des ministres-députés écossais (à  commencer par le premier d’entre eux) pourront sans doute proposer des lois et prendre part au débat, mais pas voter, contrairement au parlementarisme moniste strict. Mais, si je ne comprends pas bien les craintes de quasi guerre civile évoquées par les travaillistes pour s’opposer à  cette idée, le danger réel me paraît celui de changer la nature même du gouvernement britannique. Pour le meilleur et pour le pire, il est l’expression pure du régime majoritaire: le parti au pouvoir fait ce qu’il veut jusqu’aux élections suivantes[3]. Or il n’y a que sous Tony Blair que les travaillistes ont été majoritaires même en Angleterre (ce ne serait probablement à  nouveau plus le cas aujourd’hui). Cela veut dire que, sur des éléments essentiels de sa politique, le gouvernement pourrait régulièrement être battu, ou devoir composer pour trouver une majorité.

C’est bien sûr, comme je ne me lasse pas de le répéter, la situation normale de la classe politique suisse: elle gouverne sous l’étroite surveillance de la démocratie directe qui peut même s’offrir le luxe d’être inconséquente, et est de faite réduite à  anticiper la ligne de moindre résistance.

L’autre solution, à  laquelle les travaillistes feraient bien de revenir, c’est celle que le New Labour a échoué à  mettre en place par maladresse et excès de scrupules: la régionalisation de l’Angleterre avec des organes délibératifs et exécutifs élus auxquels pourraient être dévolus certains pouvoir centraux. Le gouvernement national « fédéral » et la Chambre des communes y perdront quelques compétences ou devront se limiter à  des orientations laissant une marge d’autonomie aux collectivités territoriales. Au moins le système politique conservera une certaine lisibilité et sera moins technocratique qu’aujourd’hui, plus proche du peuple. Mais justement, il faudra pour cela marcher sur le corps des mandarins de Whitehall qui défendent les pouvoirs exorbitants de la vraie aristocratie qui gouverne le pays, sans aucune légitimité: le Civil Service.

Notes

[1] Les dernières élections écossaises ont été remportée par le parti nationaliste (sécessionniste, orienté à  gauche), travaillistes comme conservateurs sont dans l’opposition.

[2] Majorité travailliste.

[3] Comme travaillistes puis conservateurs l’ont découvert à  leur corps défendant, ce que le système peut avoir de choquant pour un esprit démocratique, avec son allure de despotisme de la majorité privilégiant la confrontation sur la recherche d’un consensus, est corrigé par l’obligation de ne jamais trop s’éloigner du centre pour se perdre dans le dogmatisme, alors que le régime proportionnel garantit, élection après élection, une rente de situation même à  de tels partis qui sont parfois, en coalition, dans une position de pouvoir sans rapport avec leur représentativité.

6 commentaires

  1. 30 octobre 2007

    Sauf que le parlementaire élu représente le pays entier en théorie et non pas une chapelle. D’où le fait qu’un écossais puisse voter une législation concernant le sud de l’Angleterre (transport public par exemple). Je comprends tout a fait la position de ceux qui s’opposent a ce que les parlementaires votent sur ce qui ne les concerne pas. Mais c’est oublier (et je suis sur que les MPs sont les premiers a l’oublier) que leur rôle est de prendre des décisions au nom du peuple, non pas au non du groupe qui les a élus.

  2. 30 octobre 2007

    @Vonric: c’est vrai, comme tu dis, en théorie… et pour autant que cela joue dans les deux sens: les députés anglais se prononcent su un projet ferroviaire d’intérêt national en Ecosse au même titre que les députés écossais sur un autre en Angleterre. Le problème, c’est qu’avec la dévolution le NHS, ou les taxes universitaires, sont de la seule compétence du parlement écossais, sans que les députés anglais à  la Chambre des communes aient quoi que ce soit à  dire. Alors que les députés écossais aux Communes, eux, votent sans scrupule sur le NHS et les top-up fees en Angleterre…

  3. 31 octobre 2007

    Touché! (c’est d’ailleurs assez hypocrite, voir Gordon Brown par exemple voter et promouvoir les top-up fees sachant bien que ses électeurs ecossais ne lui en tiendront pas rigueur lors de sa campagne de réélection, puisqu’ils ne sont pas concernés ;-)) …Mais décider que chacun vote pour les problemes qui le concerne sonne aussi la fin du Royaume « Uni ».

  4. 31 octobre 2007

    Il n’est pas exact de dire qu’il n’y a pas de frontière entre l’Irlande et le Royaume Uni. La frontière existe et elle est matérialisée. En revanche, il n’y a pas de contrôle aux frontières, ce qui est différent. Mais qui n’a rien d’extraordinaire non plus aux Européens qui vivent dans Schengen : passer entre la France et la Belgique ou passer entre l’Irlande et l’Irlande du Nord, c’est tout pareil (sur le plan administratif – il y a un folklore routier différent de chaque côté, évidemment).

    En réponse à  Vonric : l’idée qu’un parlementaire représente l’ensemble de la nation est très forte en droit public français. Est-ce que c’est la même en droit public britannique ? J’avoue que je n’en sais rien et que ça mérite des recherches. Cela d’autant plus que l’histoire parlementaire britannique est différente : il y a eu une « fusion » des parlements anglais et écossais (puis ce parlement avec le parlement irlandais). Par ailleurs, au départ, à  la chambre des communes siégeaient des « communes », et jusqu’au XIXe siècle et aux réformes menées par les conservateurs, une très large partie de la population ne participait pas aux élections. Bref, si quelqu’un a des lumières sur la tradition britannique récente, ce serait intéressant.

  5. Papyboomer
    4 novembre 2007

    Le Canada a eu droit à  une constitution interne votée en 1867 par la Chambre des commune britannique, laquelle constitution reflétait à  la fois le système britannique et une structure fédérale nouvelle. La même démarche fût répétée plus tard pour l’Autralie.

    Or la tradition parlementaire britannique fût bien conservée dans ces pays que je connais bien : le député parlementaire du Canada et de l’Australie ou de leurs provinces/états représentent leur circonscription, point-barre. ça n’a rien à  voir avec le jacobinisme du député français qui représente à  lui tout seul la Nation. Les parlementaires Anglo-Saxons sont plus pragmatiques. Si l’intérêt national s’exprime, ce n’est pas au travers l’Idée du député=Nation à  la française, mais au travers la discipline du parti majoritaire. Le principe de «l’intérêt général» n’est pas invoqué là -bas si ce n’est que comme figure de réthorique Le parti majoritaire représente « de facto » et « de jure » la Nation/Peuple jusqu’à  la prochaine élection. That’s all!

  6. 4 novembre 2007

    A l’appui de Papyboomer: dans les débats à  la Chambre des communes, cette démarche inductive, du particulier au général, me frappe non seulement chez les députés de base mais également les ministres, qui évoquent allègrement leur propre circonscription!

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