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Votations à tous les étages à Genève

Affiches et commentaire d’un scrutin fédéral, cantonal et municipal

La galerie des affichesImportante journée de votations en Suisse, avec à Genève également des questions à l’échelon du canton et de la ville-centre! L’éventail et la nature des questions donne lieu à un déploiement d’affiches plus riche que d’habitude1 (voir la galerie de photos2).

Objets fédéraux

La brochure officielle et les résultats

Pour ce scrutin, le hasard veut que les questions apparaissent par ordre croissant de dramatisation…

Le financement des infrastructures ferroviaires est une leçon de choses du bon usage de la démocratie directe et d’un jeu bien huilé entre groupe de pression politique, administration et secteur public intéressé, gouvernement et parlement. Au départ, il y a une initiative modifiant la Constitution lancée par les lobbies des transports publics. La balle est intelligemment saisie au bond pour préparer un contre-projet allant dans le même sens. Les initiants retirent alors leur initiative et c’est avec l’appui du gouvernement, du parlement et de tous les principaux partis qu’une proposition qui serait sans doute, sans l’initiative, encore enlisée dans les sables de la procédure est largement approuvée.

Mais pour cela il faut savoir arriver à point et demander juste un peu plus, et non pas trop3: la démocratie directe est affaire d’influence bien davantage que de rapport de forces.

L’initiative pour le « déremboursement » de l’avortement par l’assurance-maladie obligatoire émane, elle, de milieux anti-avortement marginaux. Elle tente, au travers d’une question en elle-même modeste, de rouvrir un débat de société par nature incendiaire et que l’on croyait clos par la votation populaire de 20024. De sorte qu’elle se met tout le monde à dos, même le parti démocrate-chrétien. Initiative massivement rejetée.

Mais LA grande question du scrutin du 9 février, c’est la restriction de l’immigration; une question récurrente en Suisse et désormais endémique en Europe. Je me souviens fort bien de la première « initiative Schwarzenbach », du nom de son auteur en 1970 (finalement rejetée comme celles qui l’on suivi jusqu’à aujourd’hui): j’avais 15 ans, c’était aussi l’année de mon adhésion au PS (voir cette vidéo pour saisir l’ambiance). Depuis, la question s’est encore compliquée du fait de l’intégration européenne, qui s’applique à la Suisse avec les accords bilatéraux de 2002. Elle créé de fait deux cercles: les étrangers proches qui ne sont plus vraiment étrangers, ressortissants des autres pays de l’UE, et les autres qui sont les seuls que les Etats nationaux peuvent encore contrôler.

Là l’effet limite de l’initiative populaire par rapport aux pouvoirs publics joue à plein: si l’initiative échoue de peu, elle influencera néanmoins de manière tangible la politique à suivre dans les années qui viennent; si elle l’emporte, ce sera la sanction de la négligence aveugle par les élites d’un sentiment largement répandu qu’elles n’ont pas su apaiser, et il ne leur restera plus qu’à tenter de recoller les morceaux. Et les prochains écueils à contourner sont déjà en vue: extension des accords bilatéraux à la Croatie5 et une autre initiative anti-immigration d’inspiration plus écolo-malthusienne que vraiment xénophobe et anti-européenne…

Màj de 18h: le oui l’a donc emporté: 1’463’964 voix à 1’444’438, soit 50,3% contre 49,7% (et 16,5 cantons à 8,5). On ressort la tarte à la crème du fossé entre Romands (pas Latins: les Tessinois ont voté massivement oui) et Alémaniques, alors que les villes et certains cantons alémaniques ont voté non, et que ce n’est qu’une question de degré: nombre de francophones ont voté oui, nombre d’Alémaniques ont voté non, évidemment.

Objets cantonaux

La brochure officielle et les résultats

Les crèches sont à Genève une activité fortement subventionnée (quand elle n’est pas purement étatisée au niveau communal) et étroitement réglementée par la législation cantonale. Sans ironiser sur une éventuelle relation de cause à effet, il y a aussi une forte inadéquation de l’offre par rapport à la demande. Pour tenter d’améliorer les choses tout en allégeant quelque peu la croissance de la charge que cela représente pour les finances publiques, le Grand Conseil a (très peu et maladroitement) réduit les exigences de cette réglementation. Mais c’est évidemment trop pour les syndicats concernés, la gauche – et même le gouvernement vole au secours de la victoire en appelant le peuple à rejeter la loi contestée par une demande de référendum.

Cela nous vaut une transition particulièrement hilarante dans la brochure officielle: « Voilà les raisons pour lesquelles le Grand Conseil, contrairement à l’avis du Conseil d’Etat exprimé lors des débats, invite les citoyennes et les citoyens à voter OUI le 9 février 2014 » suivant immédiatement quatre paragraphes cinglants du gouvernement à l’égard de la majorité parlementaire, alors que les raisons de voter oui ne sont jamais argumentées au-delà de la description factuelle du contenu de la loi6 (et avant les quatre pages du comité référendaire – tout en points d’exclamation, sous-titres mobilisateurs, majuscules et mises en gras polémiques).

L’autre secteur de pénurie ultra-réglementée, à Genève, c’est le logement – le canton se glorifie d’avoir la législation sur l’aménagement du territoire la plus ancienne et la plus comple(t/x?)e de Suisse. Une modification de la loi qui semble relever, dans ce contexte, d’une intelligente conception des zones du canton destinées à la construction et dont le soutien va de l’extrême gauche à la droite traditionnelle et aux milieux immobiliers est cependant violemment attaquée par une coalition quelque peu hétéroclite d’écolos fleur bleue et de petits propriétaires. Ils n’ont toutefois pas convaincu.

* * *

Un mot encore à propos de l’homélie civique toujours plus laborieuse qui ouvre depuis quelque temps la seule brochure cantonale, signée par la chancelière d’Etat: chère Anja7, il temps d’arrêter, et une telle mise en avant personnalisée est inadéquate et incompatible avec ta fonction d’état-major du gouvernement et de gardienne de la continuité de l’Etat.

Objet Ville de Genève

La brochure officielle et les résultats

Le référendum contre la vente des actions de la Ville dans le téléréseau local est une autre histoire édifiante à plusieurs niveaux. A sa création, ce réseau câblé est le produit de la droite étatiste et moderniste incarnée par Guy-Olivier Segond8, rappelant les grandes heures du gaullo-pompidolisme volontariste. L’impulsion publique a permis la mise en place rapide d’un service qui n’existait pas. Depuis lors, c’est peu dire que beaucoup de choses ont changé. L’investissement initial de la Ville peut par ailleurs être considérablement valorisé par la vente proposée… par une magistrate socialiste lucide sur le rôle de l’Etat et bonne gestionnaire au sein d’un exécutif dont un seul membre sur cinq est de droite.

Cela nous vaut une campagne qui voit les socialistes et les Verts faire assaut d’un réalisme pragmatique qu’ils n’auraient pas forcément pour la même proposition dans un autre contexte politique, avec l’appui de la droite, face aux arguments archaïques des syndicats et de l’extrême gauche (appuyés bien sûr par la Jeunesse socialiste) qui ont lancé le référendum – et l’ont néanmoins emporté. Voilà, voilà…

  1. Et pourtant loin d’être équilibré ou même simplement complet, curieusement: aucune affiche pour le oui à la nouvelle législation cantonale sur l’aménagement du territoire pourtant soutenue par la plupart des partis et organisations et violemment combattue, seulement deux affiches sur les crèches, fort peu aussi sur le déremboursement de l’avortement. []
  2. Merci Martin! []
  3. Mon contre-exemple favori du moment, c’est l’initiative syndicale pour un salaire minimal (indexé) de 22 francs l’heure (18 €) sur laquelle on votera en mai: en demandant massivement trop (12 francs aurait été plus approprié mais pas très mobilisateur, comme le confirme le nouveau salaire minimal allemand de 8.50 € et susceptible d’exceptions – et de préférence seulement comme épée de Damoclès dans une disposition transitoire, si le parlement n’a pas mis en place dans un délai fixé la législation d’application d’un article constitutionnel limité au principe), les syndicats ont empêché l’émergence d’un contre-projet – et ils se seraient placé devant l’impossibilité de retirer l’initiative sans désespérer Billancourt après l’avoir fait stupidement rêver. []
  4. Adoption de la très pragmatique solution du délai insatisfaisante pour les fondamentalistes des deux camps: la femme a un droit à l’avortement durant les 12 premières semaines (à comparer avec l’ahurissant délai de 22 semaines applicable au Royaume-Uni, qui doit tout à l’état de la médecine au milieu des années 60 – mais dont la moindre évocation de le réduire compte tenu, précisément, des progrès intervenus suscite la révolte des milieux pro-avortement.); au-delà, l’arbitrage entre l’intérêt de la mère à interrompre sa grossesse et le droit à la vie de l’enfant à naître est laissé aux médecins désignés à cet effet []
  5. Oui, la Suisse est le seul Etat dans lequel chaque élargissement de l’UE fait l’objet d’un scrutin populaire… []
  6. Pour comparaison, voir la brochure sur l’objet suivant! []
  7. Ma coreligionnaire politique et ex-collègue fonctionnaire. []
  8. Qui choisit aussi qui va y « pantoufler ». []