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RFA, GE: d’une coalition à  l’autre

On me pardonnera ce télescopage audacieux entre la République fédérale d’Allemagne, plus grand Etat membre de l’Union européenne, et la petite République et canton de Genève, membre de la Confédération suisse! Mais la coïncidence est trop suggestive…

Dans les deux cas, on trouve un parlement élu sans majorité claire:

  • En Allemagne, c’est l’émergence d’un groupe de la gauche de rupture qui empêche tant la droite (CDU-CSU et FDP) que la gauche réformiste (SPD et Verts) d’exercer la plénitude du pouvoir.
  • A Genève (voir ce billet du 26 septembre que je viens seulement de parvenir à  mettre en ligne, et les résultats détaillés), ce rôle est joué par 20 députés populistes répartis en deux groupes de frères ennemis (la section cantonale de l’UDC, Union démocratique du centre de Christoph Blocher, et un MCG, Mouvement Citoyens genevois), entre l’Entente (droite, 47 sièges) et l’Alternative (gauche, 33 sièges).

Dans une démocratie parlementaire, il y a trois solutions possibles à  une telle situation:

  • Le gouvernement minoritaire, qui repose sur la tolérance de l’opposition, donc le respect de limites implicites à  son action. C’était la position exprimée au lendemain de l’élection allemande par Joschka Fischer: poursuite des réformes version Schröder. Intellectuellement c’était il me semble la solution la plus satisfaisante (qui veut le plus veut le moins), qui évitait a Merkel de dissoudre le radicalisme de ses propositions dans le compromis d’une Grande Coalition et la posait en recours. Elle n’était toutefois pas praticable en raison d’une dissymétrie structurelle: si aucun camp n’a de majorité, une fois investi un gouvernement minoritaire Schröder ne pouvait plus être renversé (en partant évidemment de l’idée que la gauche de rupture adopte un comportement rationnel), alors qu’un gouvernement minoritaire Merkel aurait contre lui une opposition potentiellement majoritaire.
  • La coalition élargie au centre: la droite cherchant un accord avec les Verts, la gauche avec le FDP. En l’occurrence les circonstances ne s’y prêtaient pas.
  • Reste donc la Grande Coalition, ou ce qu’en d’autres lieux et circonstances on appelle un gouvernement d’union nationale, voire de salut public: l’entente entre adversaires principaux, CDU-CSU d’une part, SPD de l’autre. La caractéristique essentielle d’une telle coalition, me semble-t-il, c’est le pragmatisme: elle n’est pas fondée sur une proximité idéologique, mais sur le sens des responsabilités vis-a-vis de la société. Son horizon est bien précis, la législature, et son contenu, voire les modalités de son fonctionnement, reposent sur un accord négocié jusque dans les détails. Mais pas question d’alliance: à  l’élection suivante la concurrence reprend ses droits (chacun mettant au besoin en valeur son apport propre au bilan commun), et que le meilleur gagne (et retrouve éventuellement son allié naturel). Exemple: Atlee, leader travailliste ministre de Churchill, lui succède après la deuxième guerre mondiale.

En Suisse nous connaissons une situation encore différente du fait de la démocratie directe qui pèse tant sur le parlement que sur le gouvernement: les accords les mieux verrouillés n’y résistent pas. C’est pourquoi la Confédération et les cantons ont développé la pratique de la coalition gouvernementale la plus large possible: y est le bienvenu quiconque entend prendre sa part du fardeau, et il faudra bien faire avec (pas d’accord préalable, ni de contrat de législature). C’est d’autant plus inévitable lorsque, comme dans les cantons, les membres de l’exécutif sont élus individuellement par le peuple.

Le système a fonctionné à  merveille pendant des dizaines d’années, mais à  Genève il paraît avoir trouvé ses limites, « épuisé sa force propulsive », comme disait Berlinguer du communisme. On en a eu une illustration saisissante hier mardi avec la présentation d’un projet de budget dont le gouvernement a, en parfaite harmonie entre ses membres, annoncé qu’il avait été adopté par 3 voix contre 3 (les 2 socialistes et une des deux libérales, pour des raisons symétriquement opposées) et une abstention (le Vert, désireux qu’un budget existe sans y être associé), grâce à  la voix prépondérante de la présidente (l’autre libérale) jointe aux deux magistrats centristes. C’est dire qu’il est d’ores et déja mis en pièces par les médias et les parlementaires.

C’est dans ce contexte que le résultat des élections a pu être qualifié de « séisme » par la Tribune de Genève. Il faut préciser qu’elles ont aussi vu l’implosion, sur trois listes dont aucune n’a obtenu le quorum de 7%, d’une gauche de rupture totalisant 14,8% de l’électorat, auparavant fortement représentée dans la composante parlementaire de l’Alternative, si elle pratiquait le soutien (relatif…) sans participation pour les membres socialistes et vert de l’exécutif; elle conserve évidemment tout son impact sur le plan de la démocratie directe et ne manquera pas de s’y investir avec une énergie redoublée.

Pour rompre avec le fatalisme et les blocages (qui durent maintenant depuis au moins 3 législatures), la tête pensante des Verts a émis l’idée d’une recomposition autour d’un accord entre les deux partis de la gauche réformiste (28,5%) et les deux partis centristes satellisés par le parti libéral au sein de l’Entente de droite: parti radical (10,5%) et parti démocrate-chrétien (9,9%). Mais ces deux partis sont surtout des reliquats de l’histoire, sans véritable identité ni homogénéité: ce n’est pas même l’UDF française. On ne voit pas ce qu’un tel accord pourrait contenir, ni comment il pourrait tenir face au triple assaut de ceux contre qui il serait dirigé: la droite libérale, les populistes et la gauche de rupture.

Personnellement je verrais plutôt l’occasion d’une adaptation genevoise du scénario de la Grande Coalition: au lieu de la sorte de « main invisible » actuelle, un accord à  conclure entre la gauche réformiste, d’une part, et son adversaire principal, le parti libéral (19,1%), d’autre part (impliquant en réalité toute l’Entente: mais il ne faut pas se tromper d’interlocuteur). Il engagerait les partis, les groupes parlementaires et les membres du gouvernement sur un programme détaillé de compromis réciproques en vue de dépasser et surmonter les blocages accumulés. Cela n’a toutefois de sens que si l’objectif n’est pas simplement de gérer la boutique, mais bien de présenter une situation durablement assainie à  la fin de la législature, tant sur le plan institutionnel (révision totale de la Constitution) que sur le plan du rétablissement des finances publiques et de la réforme de l’Etat. Ce serait une manière de couper l’oxygène dont s’enivre le populisme et de rétablir les conditions minimales d’un jeu politique normal: et qu’en 2009 le meilleur gagne, en ayant retrouvé sa pleine identité et ses alliés traditionnels.

COMPLEMENT DU 14.10 à  13h: En raison de la panne qui affectait encore ce blog, ce billet avait d’abord été mis en ligne dans une forme qui laissait pour le moins à  désirer… Texte progressivement revu et corrigé par la suite.

Un commentaire

  1. sedax
    13 octobre 2005

    Oui, comme cela en 2009, une législature honorable se concluera sur un avenir enthousiaste, allez hop

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