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Le statut des "carers"

C’est fou comme le fait d’avoir un mot adéquat pour nommer la chose joue un rôle important dans le débat public. Il y a « gay » bien sûr, ou « sans-papiers » qui a rendu pratiquement sexy les clandestins. Dans un autre genre, je relevais l’autre jour que la répugnante « délation » ne me paraissait pas avoir d’équivalent dans d’autres langues. Mais l’inverse est aussi vrai: il manque en français un mot pour l’anglais « carers » qui désigne, de manière évidemment complètement distincte du personnel soignant ou des services sociaux, les parents, conjoints, proches qui prennent soin de manière régulière d’une personne à  charge en raison de la maladie, d’un handicap, de l’âge… Cette identification claire, sans périphrase, permet une discussion, des revendications, qui me semblent beaucoup plus floues en France ou en Suisse (où l’on a certainement un terme équivalent en allemand, néanmoins). Ainsi cette brassée d’articles dans la section Society du Guardian d’aujourd’hui (lu au café).

Une traduction possible serait « accompagnateur/trice ». Mais, outre que le mot ne contient pas la notion de « prise en charge » qui est contenue dans carer, il désigne déjà  (au moins dans sa variante « accompagnant ») quelque chose de différent, même si c’est directement lié: le travail de volontaires [1] qui, dans un cadre en général associatif, ont une activité d’accompagnement (voir, à  la suite de ce billet, le commentaire de Samantdi qui évoque sur son blog son engagement dans ce domaine). L’un des articles du Guardian fait allusion à  la nécessité impérieuse, pour les proches d’une personne à  charge, de pouvoir être relayés, disposer de quelques heures pour eux: ça peut être l’une des fonctions d’un accompagnement associatif.

Pour avoir pratiqué des accompagnements (de personnes vivant avec le VIH à  la fin des années 80 / début des années 90), je peux témoigner à  la fois du fait que ce n’est pas évident tous les jours, même si la distance mise par le fait de n’être justement pas parent, conjoint ou proche facilite les choses, et que c’est très enrichissant sur le plan humain et personnel. Nous disposions d’une ressource essentielle: une supervision régulière, c’est-à -dire une réunion au cours de laquelle nous, accompagnants, pouvions parler de nos situations et de nos problèmes, aiguillonnés par le regard extérieur d’un psychologue. Et je suis convaincu que l’organisation en association et la mise en place d’une telle ressource serait au moins aussi bénéfique aux carers de première ligne, si je puis dire.

Parmi la série d’articles du Guardian il fallait quand même qu’il y en ait un qui m’agace: celui de la directrice d’une organisation de carers, malencontreusement. Son plaidoyer pro domo fondé sur de prétendus « droits » des carers qui seraient foulés au pied me paraît complètement fausse, maladroite, à  côté de la plaque: c’est diluer la portée de la Convention européenne des droits de l’homme, puisque c’est elle qui est invoquée, que de lui faire perdre son sens de socle minimal pour devenir une espèce de réceptacle utopiste ouvert à  toutes les surenchères — tout en étant soustrait au débat politique, avec ce qu’il comporte de compromis, et d’essentiellement discrétionnaire, dès lors qu’il s’agirait de « droits »… La question des voies et moyens de la solidarité humaine, entre individu, communauté et Etat, me paraît mériter mieux qu’une approche parodique ou corporatiste.

Notes

[1] Il faut aussi souligner comment « volontaires » rend moins dames patronnesses les « bénévoles » de naguère…

4 commentaires

  1. 15 mars 2006

    Cette question que tu soulèves est tout à  fait intéressante : ne pas savoir comment nommer cette situation d’accompagnement montre bien qu’elle n’est pas claire dans les esprits. Cette semaine, à  la permanence de l’association dont je fais partie, une assistante sociale qui suit la famille me laisse un message : « il va falloir accorder nos violons! ». Elle n’a pas compris que je ne suis pas une travailleuse sociale qui va prendre en charge une partie de ses attributions (même si elle est dépassée, mal payée, etc…) Ce n’est pas mon rôle. Il y a comme ça beaucoup de tentatives de récupération ou d’instrumentalisation, il faut tout le temps rester vigilant. On sanglote devant le Téléthon ou Sidaction, ou on applaudit les artistes des Restos du Coeur, avec de petits reportages narratifs très sympas, mais on interroge très peu cette fameuse notion d' »accompagnement »… C’est pourquoi je me sens vraiment en plein accord avec ta dernière phrase : « La question des voies et moyens de la solidarité humaine, entre individu, communauté et Etat, me paraît mériter mieux qu’une approche parodique ou corporatiste. »

    …D’ailleurs au lieu de squatter tes commentaires et ceux de Pikipoki, je ferais bien de faire un billet sur le sujet… 😉

  2. Lol, la clarification du rôle de l’accompagnant volontaire par rapport aux proches, d’une part, et aux professionnels d’autre part (surtout s’ils se sentaient menacés!) était un passage récurrent de nos supervisions…

  3. deloin
    15 mars 2006

    En France, il existe une formation CAP en deux ans, ATMFC = assistant-e technique en milieu familial ou collectif… Je crois que le mot assistant-e de vie va finir par s’imposer… à  la longue…!

  4. Assistant de vie, c’est l’un de ces jobs Aubry, non? Ca ouvre encore un autre débat, celui de la professionnalisation (et donc la prise en charge par les pouvoirs publics, qui financent) d’activités assurées autrement d’une part par les volontaires associatifs et d’autre part par les carers (famille, conjoint, proches).

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